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puisse vous reconnaître. Voici au reste un mot pour le chef de gare à Paris, afin qu’il vous donne un coupé, avec une place réservée pour moi. — Surtout, écrivez-moi par la poste de mercredi, — car il n’y a pas de télégraphe ici, — et dites-moi si le Comte Etienne se décide à venir, afin que je puisse lui retenir à Montbard un véhicule quelconque.

Chère Comtesse, je ne saurais vous parler d’autre chose que de ce voyage. Il va sans dire que si vous n’étiez pas si pressée, si vous étiez d’humeur à braver notre climat et nos distances, nous en serions trop charmés. — Si par hasard le cœur vous en disait, il faudrait alors expédier, dès mercredi matin, une dépêche télégraphique à Mlle Monneret en gare à Montbard, ainsi conçue : « Annoncez par express au Comte Montalembert de me faire chercher à Montbard jeudi. » — Je vous enverrais la seule voiture couverte que j’aie ici pour Montbard où elle arriverait dans la nuit et d’où elle repartirait avec vous jeudi. — Cette voiture pourrait vous conduire, vous, le Comte Etienne, votre femme de chambre et un de vos enfans, voilà tout.

Pardonnez-moi toutes ces misères et voyez quelle est la situation d’un gentilhomme campagnard en France sous le règne si heureux et prospère de Napoléon III, sauveur et régénérateur de la société !

Si vous adoptez l’autre plan, il serait prudent d’écrire à Dijon à l’hôtel du Parc qui est, je crois, le meilleur, sans trop le savoir, ou tout autre que vous indiquera l’hôtel où vous logez à Paris, pour demander qu’on vous fasse du feu dans vos appartemens que vous retiendrez en nombre suffisant pour votre caravane : car en France on est toujours exposé à geler pendant les premières heures de séjour dans une auberge. Adieu, chère Comtesse et au revoir, s’il plaît à Dieu, je n’ai pas besoin de vous dire avec quel bonheur !


La Roche-en-Breny (Côte-d’Or), ce 20 décembre 1861.

Oui, chère Comtesse, cela est vrai : vous m’avez paru très ingrate et surtout très injuste d’avoir tardé si longtemps à m’annoncer votre arrivée à Rome. Je vous ai quittée souffrante, beaucoup plus souffrante que je ne m’y attendais, et j’étais vraiment inquiet et impatient de savoir comment vous aviez supporté le voyage. Vous n’avez cru ni à cette impatience, ni à cette inquiétude, sans quoi vous auriez certainement trouvé un