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par le mauvais ministère belge, à cause de son catholicisme : il est pauvre, et d’autant plus intéressant. Je crois que sa conversation vous plaira et vous instruira. Ce n’est pas du tout un homme du monde, mais je vous crois trop chrétienne et trop sensée pour dédaigner, comme on le fait beaucoup trop dans le beau monde de Vienne, ceux qui ne sont pas vos égaux par le rang ou la naissance. Je ne lui ai rien dit de vous, pour vous laisser toute liberté à son égard : il demeure, 154 Benngasse, où vous pourrez l’envoyer chercher, si le cœur vous en dit. Il est très Autrichien, comme le sont la plupart des Belges catholiques.

Chère Comtesse, dites-moi donc où sont ces terres de Basse-Hongrie dont vous me parlez. Sachez bien que tout ce qui vous touche, m’intéresse vivement. J’ai rapporté de Vienne une immense et très ancienne carte de Hongrie, que j’ai accrochée dans mon corridor, que j’ai moi-même coloriée et où je voudrais marquer vos terres, comme j’ai marqué non seulement Appony, mais aussi l’endroit où vous êtes née dans le comitat de Szathmâr, il y a quarante ans ! Car vous êtes maintenant la femme de 40 ans, ce qui me met plus à l’aise, pour vous dire que je vous suis on ne peut plus affectueusement dévoué.


La Roche-en-Breny, ce 27 décembre 1862.

Vous voilà donc à Rome, chère Comtesse : je vous en félicite du fond de mon cœur, bien que le motif qui vous y ait menée soit toujours fort triste. Vous n’en jouirez pas moins de ce cher séjour et de cette ville incomparable, que l’on ne comprend et que l’on n’apprécie qu’après y être retourné plusieurs fois. Vous voulez bien m’y convier « un peu par amitié pour vous. » Je vous assure tout simplement et très sincèrement que, si j’y allais, ce serait en grande partie pour avoir le bonheur de vous y revoir, car je tremble que votre cher et excellent projet de repasser par Paris, au mois de mai prochain, ne soit dérangé par quelque obstacle ou événement imprévu. Je suis très tenté Je vous obéir. L’ensemble de la politique qui règne à Rome me déplaît. J’espère être aussi bon catholique que n’importe qui, et je crois avoir fait mes preuves à cet égard, mais tout en ayant horreur du piémontisme, du cavourisme, etc. je suis convaincu qu’à Rome on ne se fait pas une juste idée des exigences de la situation du monde actuel, qu’on y tient outre mesure à une foule