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homme qui remplit sa charge avec tant d’activité, de bonne grâce et d’éloquence ; mais pour les radicaux, un homme populaire devient facilement un homme dangereux ; ils ne supportent pas que M. Poincaré soit quelqu’un, il doit être seulement le Président de la République et ils s’accommoderaient facilement d’un président qui ne serait rien du tout. La popularité de M. Poincaré les offusque, les irrite, les inquiète même, car ils sont prévoyans et ils y voient de loin les premiers symptômes d’un gouvernement personnel. M. Bouyssou, député des Landes, s’est fait l’organe de ce sentiment : il a fait voter au congrès une motion qui signale à la « vigilance des militans du parti radical toutes les manifestations et toutes les velléités de politique personnelle qui pourraient diminuer l’autorité des institutions parlementaires et favoriser le retour de toutes les réactions contre les conquêtes laïques, démocratiques et sociales du parti républicain. » Le trait est lourd, mais il a été lancé d’une main sûre et a atteint le but : le congrès a voté la motion de M. Bouyssou. C’était sans doute son sentiment, mais il n’est pas toujours sage d’exprimer son sentiment : aussitôt après l’avoir fait, le congrès s’en est repenti. A une séance ultérieure, M. Dalimier, désireux, a-t-il dit, d’éviter toute équivoque, a présenté une motion nouvelle pour déclarer que le Président de la République était en dehors et au-dessus des partis. C’était au commencement de la séance ; il n’y avait encore presque personne dans la salle ; la motion Dalimier a été votée sans difficulté. Mais quand M. Bouyssou et ses amis l’ont appris, ils ont accouru et il y a eu un beau tapage. M. Camille Pellelan a avoué qu’il aurait peut-être mieux valu ne pas voter la motion Bouyssou, mais il a ajouté que le vote était acquis et qu’on ne pouvait pas se déjuger. De guerre lasse, le congrès a renvoyé les deux motions à une commission qui ne les a rapportées ni l’une ni l’autre. Elles sont tombées au fond d’une oubUette, et nous ne nous en plaignons pas. Cependant il est triste d’être condamné à ne jamais savoir quelle est l’opinion vraie du congrès radical et radical-socialiste sur les voyages de M. Poincaré : on peut seulement s’en douter.

En fin de compte, on a voté plusieurs autres motions, dont l’une était dirigée très directement contre le ministère, et dont les autres peuvent être considérées comme le programme du parti. Nous citerons la première, parce qu’elle indique bien dans quelle disposition d’esprit sont aujourd’hui les radicaux à l’égard du gouvernement et à quel genre d’attaque ils se livreront contre lui dès la rentrée. Peut-être nos lecteurs n’ont-ils pas oublié la circulaire de M. Barthou sur les livres