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talyseurs, lorsque, au lieu de lumière solaire, on emploie les rayons ultra-violets. Ceux-ci permettent donc de faire directement ce que fait la lumière solaire dans les plantes, et sans les accessoires (chlorophylle) dont elle a besoin pour son œuvre. Enfin on a montré tout récemment qu’en faisant agir l’ultra-violet sur l’aldéhyde formique en liqueur alcaline. celui-ci se transforme directement en sucre. Cet ensemble de recherches mémorables constitue sans doute une des conquêtes les plus belles de la science contemporaine : non seulement elles résolvent le problème naguère si mystérieux de l’assimilation chlorophyllienne, mais elles nous donnent de ce problème une solution plus élégante et plus simple que celle-là même qu’avait réalisée la nature.

Enfin nous devons à MM. Victor Henri et Bierry de savoir que les rayons ultra-violets sont encore, dans un ordre d’idées voisin, des agens biologiques puissans : entre leurs mains ces rayons ont réalisé des réactions chimiques que l’on croyait, depuis Pasteur et encore récemment, l’apanage exclusif des êtres vivans, des microorganismes : nous voulons parler des fermentations.

À propos de ces recherches récentes, on peut se proposer de calculer la quantité d’énergie solaire emmagasinée par les plantes grâce à l’assimilation chlorophyllienne. On sait que l’énergie reçue du soleil par la Terre est énorme : en la supposant concentrée toute sur le lac de Genève, elle suffirait en moins de 20 minutes à porter de zéro à 100 degrés, c’est-à-dire à faire bouillir la masse du lac tout entier, qui est pourtant de 400 milliards de mètres cubes. En partant de ce fait qu’un champ fixe par an et par mètre carré 100 grammes de carbone (et en admettant que l’activité végétale de la Terre est en moyenne 10 fois moindre), on peut calculer que les végétaux fixent, dans l’assimilation chlorophyllienne, un peu plus du millionième de l’énergie totale fournie par le Soleil et qui est supérieure à un septillion de calories. Étant donné que l’homme a besoin pour vivre d’environ un milliard de petites calories par an, l’énergie solaire fixée par l’assimilation chlorophyllienne suffirait à nourrir 13 milliards et demi d’hommes. La population du globe n’étant guère que d’un milliard et demi, on voit qu’elle peut, suivant le précepte de l’Écriture, croître et se multiplier encore quelque temps sans avoir à redouter une disette de ses ressources en végétaux.

Charles Nordmann.