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monographie moins fouillée et moins complète que M. Donati[1] publiait quelques mois auparavant ; mais il n’en reste pas moins que ces livres sont trop dépourvus de ce que Dante appelait l’intelligence d’amour pour prétendre à une valeur objective. Comme ils sont de publication récente et représentent, par conséquent, le dernier témoignage de l’opinion italienne sur le plus grand auteur italien vivant, nous leur accorderons une importance capitale ; mais nous invoquerons également à l’occasion d’autres opinions aussi autorisées, — il faut même dire plus autorisées, — bien que plus anciennes : celle de M. Borgese[2], celle de M. Croce[3], celle de M. Oliva[4]. Et si, de toutes ces opinions souvent contradictoires (spectacle bien propre à convaincre le critique de l’humilité de son office et de la relativité du goût), une lumière éclatante et définitive ne jaillit point, du moins notre admiration pour ce qu’il y a dans M. d’Annunzio de supérieur et notre éloignement pour ce que son œuvre contient de moins bon en seront-ils devenus des sentimens plus raisonnes.

Et ce sera un résultat appréciable. Il justifie amplement, croyons-nous, la rapide enquête à laquelle nous allons nous livrer.


I

Les premiers ouvrages poétiques de M. d’Annunzio sont très favorablement jugés par ses récens critiques.

Le Genevois Marc Monnier qui les signala, sitôt parus, au public de langue française avait dit avec une franchise qu’excusait l’âge très tendre du poète critiqué : « Je lui donnerais une médaille et le fouet. » Les plus aigres censeurs de M. d’Annunzio lui prodiguent aujourd’hui, pour ses livres de début, les médailles. Mais patience ! Ils ne vont pas tarder à brandir le fouet…

Primo vere, le premier essai poétique de M. d’Annunzio, parut en 1879. Primo vere est bien d’un jeune homme de seize

  1. Alessandro Donati, L’Opera di Gabriele D’Annunzio (2e edizione). Rome. Milan, Società editrice Dante Alighieri, 1911.
  2. G. A. Borgese, Gabriele d’Annunzio ; Naples, Ricciardo Ricciardi, 1909.
  3. Dans la revue la Critica, anno II, fasc. II (20 mars 1904), p. 85 et suiv.
  4. Domenico Oliva, Note di uno spellatore ; Bologne, Nicola Zanichelli.