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J’ai vu ce jardin si vanté
Où l’Art, en l’imitant, surpasse la Nature...
Aimable Trianon, que de transports divers
Vous inspirez aux âmes amoureuses !
J’ai cru voir, en entrant sous vos ombrages verts,
Le séjour des Ombres heureuses...
Du haut du Belvéder mon œil au loin s’égare,
Et découvre les bois, la verdure et les flots...
Là, parmi des rochers de structure inégale.
Que Neptune a produits d’un coup de son trident,
Un torrent écumeux tombe et route en grondant.
Et bientôt lac tranquille au pied des monts s’étale...
Vois ce ruisseau qui, dans sa pente.
Mollement entraîné, murmure à petit bruit.
Se tait, murmure encore, se replie et serpente.
Va, revient, disparait, plus loin brille et s’enfuit,
Et, se jouant dans la prairie
Parmi le trèfle et les roseaux.
Sépare à chaque instant ces bouquets d’arbrisseaux
Qu’un pont officieux à chaque instant marie.


Berlin décrit, en les magnifiant un peu, les diverses parties de ce « nouveau Tempe, » et même, se rappelant la tropicale végétation de Bourbon, son île natale, il dresse avec une évidente complaisance un catalogue des plantations exotiques des jardiniers Richard. Ce morceau prend une valeur de témoignage ; le tour, au reste, en est aisé et la lecture supportable ;


Quel art a rassemblé tous ces hôtes divers,
Nourrissons transplantés des bouts de l’univers,
La persicaire rembrunie
En grappes suspendant ses fleurs.
Le tulipier de Virginie
Étalant dans les airs les plus riches couleurs,
Le catappas de l’Inde, orgueilleux de son ombre,
L’érable précieux, et le mélèze sombre.
Qui nourrit les tendres douleurs ?
De cent buissons fleuris chaque route bordée
Conduit obliquement à des bosquets nouveaux.
L’écorce où pend la cire, et l’arbre de Judée,
Le cèdre même y croît au milieu des ormeaux :
Le cytise fragile y boit une onde pure ;
Et le chêne étranger, sur des lits de verdure,
Ploie en dais arrondi ses flexibles rameaux...


Rencontrant ici la blanche colonnade du Temple de l’Amour, le poète s’arrête complaisamment devant la statue de Bouchardon