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plus d’une fois l’habile peintre pour la forme et le placement des chaumières, des rochers et des autres petits ouvrages auxquels les architectes attachent peu de gloire. » Il n’est pas sans intérêt de pouvoir appuyer sur un témoignage contemporain, et tout à fait assuré, la part prise aux créations de Marie-Antoinette par l’artiste charmant, qui fut le conseiller de tant de grands amateurs de l’époque.

Le jardin de la Reine est donc sorti de la collaboration du comte de Caraman et de l’architecte Mique, aidés des avis d’Hubert Robert et du travail d’Antoine Richard. Mais il n’est plus question du gentilhomme, dès que les ouvrages ont commencé ; ses idées acceptées, il n’est pas consulté lorsqu’on les réalise. Mique s’est chargé seul de l’exécution des plans approuvés par la Reine et veut s’en acquitter à son honneur. Cependant les circonstances ne facilitent pas sa besogne. La première difficulté vient du manque de fonds, dont souffrent alors tous les services et particulièrement celui des Bâtimens du Roi ; la seconde, et non la moins grave, de la mauvaise volonté des agens du comte d’Angiviller et du directeur lui-même, dépossédés momentanément de Trianon au bénéfice d’intrus.

La Reine ordonne, et s’imagine qu’on obéira à ses ordres aussi promptement qu’on le faisait pour les favorites du feu Roi ; mais les temps sont changés, et Turgot, qui vient de succéder à l’abbé Terray au contrôle général des finances, n’ouvre point sans hésiter une caisse qu’il est si malaisé de remplir. On devine les difficultés de Trianon par une lettre du 28 septembre 1774, que lui adresse la dame d’honneur au nom de sa maîtresse impatiente : c Vous savez, monsieur, que la Reine fait faire un jardin chinois à Trianon. Sa Majesté était convenue avec M. l’abbé Terray, et avec la permission du Roi, que ce serait M. Mique, intendant des Bâtimens de cette princesse, qui en serait chargé, et qu’il (l’abbé Terray) fournirait les fonds tous les mois ; il n’y a rien de payé jusqu’à présent, et je joins ici la note de ce qui est nécessaire pour le présent et jusqu’après Fontainebleau. Depuis l’arrangement pris, la Reine a infiniment diminué le projet. Sa Majesté ne voulant pas causer une grande dépense. La Reine est malade, ce qui l’empêche de vous dire elle-même son affaire, et m’a ordonné de vous l’expliquer. La somme du moment est de huit mille livres. Je vous prie d’être bien persuadé, monsieur, que j’ai l’honneur d’être plus que