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mine ou dans la fabrique ; il est tenu, en particulier, de défendre contre les périls d’un labeur excessif ou prématuré les enfans, les adolescens, les jeunes filles, tous ceux qui, par leur âge ou par leur sexe, semblent incapables de se protéger efficacement eux-mêmes. » Ce sont de très larges concessions, et qui peuvent entraîner tout le reste, car la borne est bien difficile à déterminer. Anatole Leroy-Beaulieu redoute qu’on ne se laisse séduire par les théories de « l’Etat providence ; » il dénonce le caractère anti-chrétien de cette déification de l’État ; il craint que l’on ne cherche à étendre le sens des paroles positivement dites par le Pape, au lieu de prendre garde plutôt à toutes les précautions dont l’encyclique a soin d’entourer l’intervention de l’Etat. « Oui, Très Saint-Père, s’écrie-t-il, nous nous défions de l’État, monarchique ou républicain, populaire ou bourgeois, parlementaire ou césarien ; nous nous défions de sa prudence, de ses lumières, de ses doctrines et de ses visées ; nous nous défions de ses procédés, de ses méthodes, de son goût de réglementation, de ses engouemens et de son outrecuidance ; nous nous défions de sa moralité, de sa conscience, de sa probité. Il nous est malaisé de voir en lui l’organe du Droit et l’instrument de la Justice. »

C’est par des organismes vivans, corporatifs, qu’Anatole Leroy-Beaulieu, avec Léon XIII, préférerait voir résoudre les problèmes sociaux ; il souhaite le développement des syndicats professionnels ; il est d’avis de leur conférer la personnalité civile. Mais, avant tout, et c’est toujours là qu’il en revient, la question sociale ne sera résolue que par une réforme morale. Convertissez-vous ! Allez au peuple ! Il le prêche avec Tolstoï. Il admire ceux qui se vouent aux œuvres sociales. « Si j’étais né un quart de siècle plus tard, il me semble... que j’irais, moi aussi, grossir le nombre de ces échappés du scepticisme qui s’ingénient, à la Pascal, à trouver la foi dans les œuvres. » A relire, après vingt ans, ce livre qui fut, en son temps, très discuté, j’y retrouve bien la marque d’une intelligence imprégnée des principes du « libéralisme » économique, d’un « libéralisme » très éclairé et très « éduqué, » mais j’y retrouve surtout le langage généreux et noble qui vient du cœur de ce grand affamé de justice.

« En étudiant l’action du Juif et le moderne Israël, comme en examinant les enseignemens du Pape sur le socialisme et sur la démocratie, j’ai toujours en vue le même objet : la liberté