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ni à Madrid ni à Paris pour préparer un changement si désirable ; mais il n’est que juste de reconnaître, du côté espagnol, la part prépondérante et vraiment décisive que le roi Alphonse XIII a prise à cette œuvre bienfaisante. Comme l’a dit M. Poincaré, le Roi a été pour la France « un ami de tous les instans. » Pendant les heures troubles et dangereuses que nous avons traversées, il n’a jamais perdu de vue le but qu’il s’était proposé d’atteindre. Il a d’ailleurs trouvé chez nous des dispositions conformes aux siennes. Les orages se forment vite dans les Pyrénées et ils y sont quelquefois très violens, mais ils passent vite aussi et le ciel ne tarde pas à y reprendre sa sérénité. Le voyage de M. le Président de la République en Espagne et l’accueil extrêmement chaleureux qu’il y a reçu sont une manifestation nouvelle et plus significative encore que les précédentes de cette poUtique d’ « intimité » qui doit régir les rapports des deux pays. Nous retrouvons ce même mot d’intimité dans les deux toasts échangés entre le Roi et le Président de la République. « Le souvenir de votre visite ne s’effacera pas de ma mémoire, a dit le Roi, car j’y découvre un gage précieux pour un avenir d’intimité et de bonne entente de plus en plus cordiale entre l’Espagne et la France, à laquelle j’adresse ici mon salut d’amitié et de profonde admiration. » « Tout nous permet maintenant, a répondu M. Poincaré, d’envisager avec confiance l’avenir de bonne entente et d’intimité dont parle Votre Majesté. » Tenons-nous-en à ce mot : il caractérise la situation d’aujourd’hui et, ce qui est plus précieux encore, il est une espérance pour celle de demain.

Nous nous en réjouissons sans réserve. Nos lecteurs se souviennent sans doute que, dans les momens où l’opinion mal éclairée était le plus agitée des deux côtés de la frontière, nous n’avons pas cessé un moment de recommander le calme, le sang-froid, la modération, enfin le retour à une politique d’entente et de confiance qui nous semblait être non pas seulement désirable, mais indispensable entre l’Espagne et nous. Quand on entreprend une politique, on doit en prévoir et en accepter toutes les conséquences. Rien, peut-être, ne nous obligeait à aller au Maroc, mais puisque nous y allions, il aurait fallu ne pas connaître le premier mot des questions qui devaient inévitablement se poser pour ne pas s’attendre à trouver l’Espagne devant nous et pour n’être pas décidé à lui faire une place suffisante à côté de nous. Nous nous sommes dès lors engagés, pour un avenir indéterminé, dans une politique qui ne pouvait être qu’une politique de bonne entente ou une politique de conflits de plus en plus violens. Il n’y avait