Moret, Canalejas, don Gumersindo de Azcarate se rallièrent aux vues du gouvernement conservateur. Son caractère est exactement de défense nationale. Les trois cuirassés prévus, — deux sont aujourd’hui livrés, — jaugent 16 000 tonnes seulement, mais leur artillerie est aussi forte que celle des dreadnoughts, plus grands et plus rapides. Trois arsenaux sont en voie de complément, le Ferrol (avec un bassin de radoub pour bâtimens de 20 000 tonnes), la Carraca (Cadix) et Carthagène. Les débats engagés en 1907 et les communications publiées depuis lors confirment qu’une deuxième escadre de trois cuirassés, de taille supérieure aux premiers, sera ensuite mise en chantier ; en même temps, des points d’appui seraient créés à Mahon et à Ceuta. M. Gasset, qui tient justement à son œuvre « hydraulique, » exprimait dernièrement le regret que le ministère s’inquiétât de cuirassés plutôt que de canaux d’irrigations ; il lui a été répondu qu’un des soucis ne faisait pas tort à l’autre.
Tout s’enchaîne, en effet, dans une politique qui entend ménager à l’Espagne un avenir conforme à ses aptitudes, précisées et consolidées : les Etats, comme les particuliers, acquittent des primes d’assurance plus élevées, quand l’essor de leurs valeurs accroît le taux de leurs risques. La France n’est pas intervenue militairement au Maroc, tant que l’Algérie ne s’offrait pas comme un domaine riche, particulièrement enviable ; son avancée détermina, par contre-coup, celle de l’Espagne au Sud de la Méditerranée, et nos voisins, toujours à la recherche d’une ligne d’équilibre, ont été ainsi conduits à reprendre un rôle de puissance coloniale. Ils n’y étaient pas immédiatement prêts ; ils auraient continué la campagne du Rif par les procédés du début, militaires, sans les nuances d’une exploration indigène avisée, qu’ils auraient imprudemment multiplié leurs sacrifices ; mais ils se sont instruits par l’expérience, par la leur et par la nôtre aussi ; les chefs du protectorat nouveau de l’Espagne s’inspirent aujourd’hui de la politique d’association.
Avant le gouvernement, des sociétés particulières avaient recommandé ces pratiques. Dans les « congrès africanistes, » on réclame depuis longtemps la création d’écoles espagnoles dans les villes du Maroc septentrional, l’établissement de marchés, de postes médicaux, où l’on attirera les indigènes, et réciproquement, en Espagne, la fondation de cours d’arabe et