dernière lutte pour la vie avant la suprême défaite ? La scène entière est admirable par l’intensité des effets que le romancier a su tirer de cette agonie où nous voyons finir une existence qui avait commencé par un si rude combat.
Voilà où excelle M. Arnold Bennett ; et, dans son art essentiellement anglais, il ne reste à peu près plus rien d’intellectuel. Art d’une intensité singulière, puisque la représentation s’y suffit à elle-même et peut se passer, ou, pour mieux dire, ne s’embarrasse point d’explication. Les événemens et les âmes se présentent comme dans la vie, sans accompagnement de commentaires. C’est à nous de nous les expliquer, si tant est que l’intelligence ait quelque chose à voir en telle matière et que les romans soient destinés à exercer notre faculté de comprendre. Est-il besoin de remarquer combien de tels procédés sont favorables au réalisme et réussissent, en outre, à mettre et à maintenir la curiosité en éveil, à soutenir l’intérêt ? L’auteur aime s’arrêter et nous arrêter devant l’indéfinissable. Il est d’autant plus naturel de ne pas nous expliquer les personnages que dans la réalité de leur vie ils ne s’expliquent pas volontiers les uns aux autres. Chacun de ces insulaires est une île, et l’on ne peut se défendre de rappeler à leur propos la doctrine swedenborgienne qui admet l’identité de composition entre le tout et chacune de ses parties. Ne croyez pas qu’il s’agisse là exclusivement de dignité personnelle et d’individualisme. Par principe absolu ou discipline héréditaire, c’est dans tous ses faits et gestes que l’Anglais de M. Arnold Bennett reste derrière ses retranchemens. J’en citerai un exemple bien caractéristique. Edwin a veillé son père durant la première nuit de l’agonie. Nous avons vu que ce n’était pas une agonie ordinaire. Il a été bouleversé et terrifié par le spectacle de cette lutte du moribond avec son souffle ; il a eu le sentiment d’une présence invisible, d’un ennemi formidable qui terrasse sa victime, l’étouffe, et lâche ses prises afin de les resserrer aussitôt et de prolonger le supplice. Au matin, Maggie Clayhanger entre dans la chambre où elle vient relever son frère et prendre son tour de garde. « Comment a été la nuit ? — Mauvaise, » répond l’autre et il s’en va. Pas un mot, quand il serait si naturel et si nécessaire de préparer du moins la jeune fille à l’horreur du spectacle qu’elle va avoir sous les yeux.
Là encore M. Arnold Bennett est strictement réaliste. L’intellect