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ESQUISSES MAROCAINES


PAYSAGE ET RELIGION

II[1]


I

Le voyageur qui vient d’Europe et débarque pour la première fois en un port du Moghreb est longtemps captivé par un charme de curiosité nonchalante. S’il est venu dans la jolie saison printanière, il regarde, il respire, c’en est assez pour être heureux. Supposons-le tout simplement à Tanger, la ville méprisée du Marocain de l’intérieur, comme souillée par la présence et par les innovations des chrétiens. Il y sera aussi à même qu’ailleurs d’observer les premiers caractères d’un monde qui lui est nouveau et longtemps lui demeurera étranger. Ses premières impressions seront toutes physiques. La plage est dorée, la mer est un ciel de lumière. Par-dessus les tristes haies de broussailles mortes qui enclosent les jardins passent les bras lisses des figuiers. Ils portent comme des mains prêtes à s’ouvrir les bouquets non dépliés de feuilles nouvelles : les fleurs de cire sur les orangers se dilatent et on entend dans les effluves chauds le petit craquement de leurs corolles. Elles cèdent et s’ouvrent aux rayons pénétrans. Il y a

  1. Voyez la Revue du 1er septembre 1912.