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beaucoup de nuances, mais personne dans le monde ne l’a accusée de l’avoir fait sans justice. L’opinion hellénique s’est émue comme la nôtre. Presque tous les journaux d’Athènes se sont appliqués avec une cordialité sincère envers nous à panser la blessure causée par l’madvertance du Roi. M. Vénizelos, qui n’était pas à Athènes, y est revenu au plus vite et a fait part à notre ministre des sentimens véritables du gouvernement hellénique, pendant que le distingué ministre de Grèce à Paris, M. Romanos, faisait une démarche analogue auprès de notre gouvernement. C’était pour nous une première satisfaction et celle à laquelle nous tenions le plus. Nous en avons eu une autre, d’un genre très différent, dans l’embarras et bientôt même dans le dépit manifestés par l’opinion allemande. Les journaux d’outre-Rhin avaient commencé par tirer ample vanité du discours du roi de Grèce. C’était le seul de ses élèves qui eût fait honneur à l’enseignement militaire allemand ; les autres, avec l’armement que l’Allemagne leur avait donné, avaient déplorablement échoué. Nous aussi nous avions fourni des armes et des préceptes aux peuples balkaniques : certaines comparaisons devaient naturellement, inévitablement, se présenter aux esprits. Nous n’en parlerons pas davantage parce qu’on en a trop abusé. Il y a eu là pour l’Allemagne de cuisantes piqûres d’amour-propre, et c’est pourquoi l’exaltation des méthodes germaniques faite avec un naïf enthousiasme par le roi Constantin a si grandement flatté l’opinion allemande que tous les journaux en ont poussé des cris de joie et d’orgueil. Mais le lendemain on a dû déchanter. La faute politique commise est apparue. Il a bien fallu reconnaître qu’on avait fait faire au Roi un pas de clerc, puisqu’il était, — qu’on nous passe le mot car c’est le seul juste, — désavoué par son pays et par son gouvernement. Alors on a entonné un autre air ; on s’est appliqué à enlever toute signification politique aux paroles du Roi ; on s’est lourdement moqué de la France qui s’était émue d’un incident sans importance ; on a dit doctement, pédantesquement, qu’il aurait été plus habile de sa part de ne pas sentir le coup qui lui avait été porté et de ne pas faire de la peine à un jeune souverain qui pourrait s’en souvenir. Cette nouvelle attitude de l’Allemagne était intéressante à observer. Des vantardises du début il ne restait rien et, soit qu’on ne voulût pas aggraver l’embarras du Roi, soit qu’on se fût aperçu qu’on avait fait fausse route, évidemment on battait en retraite. L’affaire ne tournait pas à notre désavantage.

Restait le voyage du Roi : après l’avoir officiellement annoncé, il fallait le faire, quelque délicate qu’en fût l’épreuve. Le Roi est donc