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logie, — comme une foule fuyant vers les issues d’un théâtre incendié, et qui s’écoulerait par ces issues d’autant moins facilement qu’elle les obstruerait davantage par sa violence. Ces idées sur le rôle de l’ozone atmosphérique ont reçu une remarquable confirmation des expériences réalisées, il y a quelques mois, par MM. Fabry et Buisson à la Faculté des sciences de Marseille. Ces physiciens ont découvert que la limitation du spectre solaire vers les petites longueurs d’onde, à mesure que la hauteur du Soleil varie, suit exactement la même loi que celle de leur absorption artificiellement réalisée par une couche d’ozone de plus en plus épaisse. Ils ont montré en outre que l’ozone est, pour l’ultra-violet extrême, plus opaque qu’un métal pour la lumière, sous la même masse. La limitation du spectre solaire vers 0,30 μ correspond dans l’atmosphère à une teneur en ozone équivalente à une couche uniforme de ce gaz de 5 millimètres seulement d’épaisseur à la pression normale. Si faible que soit cette teneur, elle est encore 75 fois plus grande que celle de l’ozone effectivement trouvé dans les couches inférieures de l’atmosphère et qui n’est que de 8 millièmes de centimètre cube par mètre cube. Il en faut déduire que les couches élevées de l’atmosphère sont beaucoup plus riches en ozone que celles où nous respirons.

Grâce surtout aux travaux remarquables de deux chimistes français, MM. Daniel Berthelot et Gaudechon, les rayons ultra-violets se sont montrés des agens de synthèse chimique aussi efficaces et aussi généraux que la chaleur ou l’électricité. On sait que les chimistes appellent polymère d’un corps donné un autre corps dont chaque molécule renferme un certain nombre de molécules du premier. MM. Daniel Berthelot et Gaudechon ont réussi à polymériser, grâce à I’ultra-violet, le gaz éthylène sous forme d’un liquide auparavant inconnu, le cyanogène, l’acétylène et divers autres corps encore. Ils ont réalisé par le même procédé de véritables combustions à froid : un grand nombre de corps organiques sont amenés du premier coup par l’ultra-violet aux termes ultimes de la combustion : anhydride carbonique et vapeur d’eau. L’hydrogène est brûlé par ces rayons dans l’oxygène en donnant de l’eau, l’ammoniaque en donnant de l’azote et de l’eau, etc. Une remarquable application de ces facultés oxydantes de l’ultra-violet est la nitrification de composés ammoniacaux, qu’il réalise à froid en présence d’oxygène. Étant donné l’importance que présente pour l’agriculture la fabrication synthétique des nitrates à partir des produits ammoniacaux, il y a là sans doute un bel avenir pour la chimie de l’ultra-violet.