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lieu de se propager en ligne droite comme la lumière visible, elles contournent par diffusion les obstacles les plus infimes et en particulier les molécules de l’atmosphère. Un homme photographié en plein soleil, avec les seuls rayons ultra-dolets, paraît en conséquence n’avoir pas d’ombre projetée derrière lui, car la plus grande partie de ces rayons à la surface de la Terre provient de leur diffusion par l’atmosphère et le sol bien plus que du Soleil. Pour un œil sensible au seul ultra-violet, le Soleil serait visible, mais très diffus, et il n’y aurait jamais d’ombres projetées. Toute la Terre nous paraîtrait pareille au héros légendaire allemand Pierre Schlemyl, l’homme qui a perdu son ombre.

L’une des plus curieuses propriétés des radiations ultra-violettes est leur faculté de provoquer intensément la fluorescence des corps. Tandis que sous l’effet de la lumière ordinaire quelques corps seulement, comme le sulfate de quinine, sont fluorescens,il n’est presque pas de substance sohde ou liquide qui ne le devienne dans l’ultraviolet, lorsqu’on l’illumine par exemple au moyen de l’arc à mercure en vase de quartz. Parmi celles qui, sous l’action ultra-violette, manifestent la fluorescence la plus vive, il faut citer le platinocyanure de baryum, cette substance bien chère aux physiciens, puisque c’est à elle que nous devons la découverte des rayons X[1]. Nous savons que la fluorescence consiste en ceci : qu’un rayonnement à courtes longueurs d’ondes se transforme en frappant certains corps en rayonnement visible à ondes plus longues. Elle est, comme on l’a dit, comparable à un écho infidèle qui, frappé par un son aigu, rendrait un son plus grave. Quant à la cause de cette transformation bizarre d’énergie, les physiciens en sont encore réduits à des conjectures trop incertaines et trop compliquées pour être exposées ici. Parmi les substances que l’ultra-violet rend fluorescentes, l’une des plus remarquables est l’esculine qui se rencontre dans les tiges de marronniers. Si on introduit une de celles-ci, fraîchement coupée, dans une éprouvette d’eau, dans l’obscurité et sur le trajet d’un faisceau ultra-violet invisible, on voit de magnifiques traînées bleuâtres couler lentement du bas de la tige.

Non moins étranges sont les actions électriques des rayons ultra-violets. La plus remarquable est l’effet photo-électrique découvert par

  1. Rœntgen, rappelons-le pour mémoire, étudiait les rayons cathodiques d’un tube à vide lorsque, ayant recouvert ce tute d’une étoffe noire, pour ne pas être gêné par la lumière qu’il émettait, il remarqua qu’un écran au platinocyanure de baryum, oublié par lui dans un coin, s’illuminait brillamment. Les rayons X étaient découverts.