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REVUE SCIENTIFIQUE

LA PHYSIQUE ET LA CHIMIE DES RAYONS ULTRA-VIOLETS

On s’est beaucoup moqué de ces poètes symbolistes qui voyaient entre la lumière et les sons des analogies si grandes que le son de telle ou telle voyelle évoquait immédiatement pour eux, du moins ils l’ont affirmé, — et même en vers, — une couleur bien déterminée. On n’a eu raison qu’à moitié. Sans préciser d’une façon aussi concrète qu’Arthur Rimbaud la sympathie qui unit les diverses vibrations qui emplissent l’univers et font frémir nos yeux et nos oreilles, les physiciens ne la méconnaissent pas. Ils savent que la lumière et le son se définissent l’un et l’autre par la fréquence, l’amplitude et la vitesse de leurs vibrations. Pour eux un diapason vibrant 435 fois à la seconde définit aussi exactement le la normal et légal[1] qu’un atome vibrant 400 trillions de fois par seconde définit une certaine nuance du rouge. De là cette habitude qu’ont prise les opticiens et qu’ils ne doivent sans doute pas aux symbolistes, — le contraire serait plus vrai, — d’emprunter à la musique certaines expressions commodes et de parler par exemple des octaves de la lumière.

Depuis que, selon la vigoureuse et juste expression de Fonte-

  1. Si surprenant que cela puisse paraître dans un domaine où il ne semblerait pas que l’autorité administrative eût voix au chapitre, c’est un décret, le décret du 16 février 1859, qui a défini le la normal d’où dérivent les gammes employées par nos musiciens. En Allemagne, le la normal correspond à 440 vibrations. En attendant que d’autres questions où règne moins l’harmonie et qui y touchent moins, soient réglées entre les deux pays, ne devraient-ils pas s’entendre d’abord sur la base scientifique de la musique ?