fait opulens les miséreux, gras les maigres, sages les fols, piteux les cruels. Il donne aux Quinze-Vingts des lunettes. Il organise toute une mascarade de raillerie et s’en amuse. Les chanoines de Notre-Dame, il les déteste ; il a, pour les détester, ses propres rancunes et, principalement, les rancunes de tout un chapitre. Les chanoines de Saint-Benoît sont les ennemis des chanoines de Notre-Dame ; il y a entre eux un long passé d’émulation, des froissemens de protocole, des insolences, des révoltes. Et c’est au cloître Saint-Benoît, dans la communauté même et dans une maison à l’enseigne de la Porte rouge, que Villon fut élevé, chez maître Guillaume de Villon, son « plus que père ; » c’est là qu’il eut le seul asile dont il usât lors de ses bons jours. En 1449, quand il avait dix-huit ans, il a vu les chanoines de Notre-Dame venir, pour affirmer leur suzeraineté, chanter au lutrin de Saint-Benoît le Bétourné, le jour de la fête du saint. Maître Guillaume Colin et maître Thibault de Vitry avaient de vieilles voix cassées. Les chanoines humiliés de Saint-Benoît n’en firent-ils pas des gorges chaudes ? Et François Villon n’a oublié ni la méchanceté ni la bisbille, quand il vante ces pauvres clercs, éloignés de toute querelle et si bien chantans au lutrin.
De tels renseignemens sont délicieux, à mon gré. Ils nous permettent de placer Villon dans son groupe, de le lier à ses entours et de ne plus l’apercevoir, comme un phénomène saugrenu, dans un isolement contraire à toute vérité imaginable. Il a ses préjugés, qui sont l’étoffe où brode sa fantaisie. Et il s’échappe de ce groupe ; précisément, il s’en échappe : et c’est la preuve qu’il y était. Les indications qui nous sont fournies, touchant ce groupe, j’en nourris mon idée de Villon. Et, à ses différences, si nettes sur un fond moins coloré mais de nuance forte, je le distingue.
Aux chanoines de Notre-Dame, dont il se moque avec les autres chanoines de Saint-Benoît, il lègue les revenus de la maison Guillot-Gueuldry. Et la maison Guillot-Gueuldry, rue Saint-Jacques, on l’a dénichée : Gueuldry, un boucher, ne payait pas la rente des étaux qu’il avait pris à bail. Et voilà le mauvais payeur, célèbre alors à Saint-Benoît, que Villon cède à ses légataires Guillaume Cotin et Thibault de Vitry !... Parmi les gens de Notre-Dame, il y en a un, seulement un, qu’il épargne : c’est le bon feu maître Jehan Cotart. Celui-là, il n’a pour lui qu’amitié. Cela lui date d’un procès qu’il eut avec Denise, une fille amoureuse. Jehan Cotart fut le procureur de Villon devant l’official ; et, pour ce, Villon lui dut les honoraires d’un patard, qu’il ne paya pas ; et Cotart ne réclamait rien. En conséquence, le bon feu