et des balais ! » Pointis n’insista pas. Cette révolte, d’ailleurs, lui causait une joie intense. Et, sans inquiétude sur les suites de l’aventure, il suivit le détachement.
De colline en vallée, on parcourut une dizaine de kilomètres dans le désert. Bou-Amar et ses cavaliers, collés aux flancs de la troupe, semblaient attendre une intervention du Destin. L’impression d’une traîtrise hantait peu à peu les « joyeux, » dont la nervosité se traduisait par des exclamations coléreuses et des gestes menaçans. Les artilleurs, plus placides, cheminaient lourdement à côté de leurs mulets ; les Sénégalais, comptant sur la bataille, caressaient leurs gris-gris, et leur joie s’envolait dans le « Y a bon » traditionnel. Imbert, à l’avant-garde, épiait le terrain, comme s’il redoutait une défaillance visuelle chez les spahis qui tressaient, autour de la petite colonne, un réseau mobile d’observateurs attentifs.
Soudain, il s’arrêta. Le chemin franchissait une crête rocheuse qu’il adopta comme limite de sa patience. Il disposa sans retard sa troupe en prévision d’une alerte, tandis que l’officier de renseignemens sommait Bou-Amar de tenir ses promesses. Le caïd inventait des faux fuyans et, visiblement, n’était pas disposé à « marcher. » Agacé, Imbert intervint : « Tu m’as entraîné jusqu’ici pour m’aider à ramener ta tribu. Où sont tes douars ? Où sont tes partisans ? Tu m’as trompé, puisque je ne vois rien. Tu dormiras dans un silo ce soir, si tu ne fais pas ce que tu m’as promis. J’attends ici jusqu’à midi : tu as le temps d’agir. » Bou-Amar voulut attester la pureté de ses intentions ; mais, jugeant aux physionomies que l’heure des discours était passée, il rallia son escorte de « meskine » et partit au galop. « Voulez-vous parier qu’il rejoint les dissidens et que vous ne le verrez plus ? » demanda Pointis a Imbert qui soupira : « Tant mieux ! je serai débarrassé d’un intrigant. »
Les heures s’écoulaient. Parfois, quelques détonations assourdies par l’éloignement faisaient lever des têtes de dormeurs allongés à l’ombre des rochers. Imbert, Pointis, des capitaines et des lieutenans, juchés sur un piton, s’étaient groupés autour de l’officier de renseignemens qui leur montrait le théâtre des prochaines opérations : « Là-bas, vers le Sud-Ouest, c’est Hadjirat-ben-Naceur, découronné de son village berbère qui, jadis, terrorisa la plaine ; vers le Sud, c’est la vallée de Zahiliga, où les rebelles vont abreuver leurs troupeaux ; plus loin, c’est