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on voulait s’en servir à l’occasion. Quand un est usé, on en invente un autre. Pendant quelque temps, il n’a été question en Allemagne que des persécutions dont les Allemands étaient l’objet chez nous. On se rappelle l’incident de Nancy, qui avait tout juste l’importance d’une brimade dans un café. Encore y avait-il, cette fois, un fait initial qui, bien que grossi démesurément, ne manquait pas d’une base, si frêle qu’elle fût. Depuis on a mis en avant des incidens purement imaginaires dont la presse allemande s’est emparée sans se donner la peine d’en vérifier l’exactitude, avec une fâcheuse légèreté, pour ne pas dire plus. Mais tout cela ne prenait pas corps autour d’un pivot commun : au bout de quelques jours, il n’en restait plus rien, si ce n’est une disposition hargneuse et une tendance à croire les Français capables de tout. Ce pivot commun qui manquait à tant de fables, on a fini par le trouver dans la Légion étrangère. La presse allemande a commencé par raconter des histoires à dormir debout d’atrocités commises dans un endroit qu’on citait, à une date qu’on précisait, dans un régiment dont on donnait le chiffre, de la part d’officiers dont on écrivait les noms en toutes lettres : nous allions au fond des choses et toutes ces allégations, du premier mot au dernier, se trouvaient fausses et mensongères. N’importe, la campagne se poursuivait et recommençait à propos d’autres fables ; les démentis que nous leur donnions, avec des preuves incontestables, ne passaient pas la frontière, de sorte qu’il y a aujourd’hui beaucoup de bonnes gens en Allemagne qui, après avoir lu leur journal, croient de bonne foi que notre Légion étrangère est un musée des horreurs, que nous y recrutons par tous les moyens des malheureux abusés ou subornés et qu’après avoir réussi à opérer ces captures, nous exerçons sur nos victimes les plus épouvantables tortures. D’où on conclut qu’il faut mettre la France au ban de l’humanité, menace qui nous laisse d’ailleurs absolument indifférens. Nous pourrions nous émouvoir si les calomnies allemandes tarissaient le recrutement de la Légion étrangère ; mais, par un effet bizarre, plus les journaux déclament, plus les volontaires, sans que nous soyons jamais allés les chercher, se présentent nombreux ou empressés à la porte de la Légion. Dans un siècle de publicité à outrance, où tout se sait, où les moindres faits sont passés au crible de la discussion, la vérité finit par l’emporter. Nous rendons d’ailleurs justice à d’assez nombreux anciens légionnaires allemands qui, libérés du service et rentrés dans leur pays, protestent loyalement contre des allégations dont ils connaissent et dont ils dénoncent le mal fondé. Ils disent ce qu’est la