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M. Barthou, et il ne pouvait guère s’en dispenser, a cru devoir, lui aussi, dire un mot de la question des îles et il s’est borné à reprendre à peu près textuellement les déclarations faites par sir Ed. Grey, à savoir que le moment viendrait où l’Italie, conformément à un engagement qu’elle tiendrait sans aucun doute, remettrait les îles à qui ? M. Barthou a dit, assure-t-on, à l’Europe ; les journaux italiens ont déclaré avec la plus fougueuse indignation qu’il aurait fallu dire : à la Porte ; mais, à les lire, on pourrait croire, de plus en plus, qu’ils sont décidés à ne les remettre ni à celle-ci, ni à celle-là. Encore une fois, nous ne parlons que des journaux ! Dans le nombre, la Stampa s’est distinguée par la violence de ses invectives : nous aimons mieux ne pas la citer ; à quoi bon ? il ne faut pas jeter de l’huile sur le feu. Mais qu’on nous permettre de nous étonner une fois de plus du privilège que nous accorde la presse italienne. Quand les autres disent la même chose que nous, elle n’a pas l’air de s’en apercevoir, ou même elle approuve, à la vérité du bout des lèvres ; mais, de notre part, tout est criminel et déchaîne les plus amères diatribes. La presse italienne finira par nous faire croire qu’elle nous en veut particulièrement, et de quoi ? sinon d’être une très grande Puissance méditerranéenne et d’occuper une trop longue étendue de côtes dabs cette mer où nos propres ambitions sont satisfaites et où les siennes ne le sont pas encore. Nous avons reconnu de bonne amitié son droit de s’y faire une place : que peut-on nous demander de plus ?

Pour en revenir aux îles de la mer Egée, il est parfaitement exact que ce n’est pas à l’Europe, mais à la Porte, que l’Italie a pris l’engagement de les remettre quand l’heure en serait venue. Si on a fait dire autre chose à M. Barthou, c’est sans doute parce qu’on l’a mal compris ; en tout cas, le lapsus était facile à réparer. Mais tâchons de voir les choses de plus près. Au cours des polémiques échangées entre journaux italiens et français, ces derniers ont été amenés à citer quelques textes dont le plus important est la déclaration faite à la Conférence de Londres, le 5 août dernier, par l’ambassadeur d’Italie. La voici : « Le gouvernement de Sa Majesté considère que la question des îles du Dodécanèse, laquelle doit son origine à la guerre italo-turque, est juridiquement réglée par les dispositions du traité de Lausanne. Cela étant, le gouvernement italien répète qu’il rendra ces îles à la Turquie dès que le gouvernement ottoman aura, de son côté, exécuté intégralement les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 2 du traité de Lausanne. Lorsque la restitution de ces îles à la Turquie aura lieu, il va sans dire que le gouvernement italien prendra part