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C’est, d’ailleurs, une erreur que d’attribuer au seul type rigide la possibilité d’avoir le gaz réparti entre des compartimens séparés par des cloisons ; on a essayé de le faire pour des dirigeables souples, et on y a parfaitement réussi dans la dernière unité sortie des ateliers français, le Fleurus, sur lequel nous aurons à revenir.

Mais, disent les partisans des rigides, il reste la garantie qu’on obtient en cas d’atterrissage brusque ; il vaut mieux, dit-on, heurter le sol par une charpente bien solide, une sorte de tour Eiffel en aluminium, que dans une frêle nacelle métallique analogue, comme construction, à un cadre de bicyclette, comme celle de nos dirigeables souples.

Ici, c’est encore une illusion, mais il faut reconnaître qu’elle semble très naturelle. Quand on examine les photographies d’un Zeppelin, avec cette cabine où les voyageurs sont aussi confortablement installés que dans un bateau ou dans un wagon perfectionné, où ils prennent tranquillement leurs repas en jetant de temps en temps un coup d’œil sur un merveilleux paysage, cela donne l’apparence d’une sécurité complète, mais elle est parfois bien trompeuse. On a pu voir, dans les journaux illustrés, d’autres photographies représentant l’aspect d’un Zeppelin, non pas à la suite d’une catastrophe, mais d’un atterrissage un peu brusque ; cet aspect est vraiment lamentable, et il justifie pleinement l’opinion d’un ingénieur aéronaute français, qui a visité dans le plus grand détail le Zeppelin atterri à Lunéville : « Cette charpente, disait-il, est une merveilleuse ferblanterie. »

Ce n’est pas faire la critique des ingénieurs allemands qui ont construit ces appareils, mais c’est la critique du système. Les carcasses des Zeppelin actuels sont incapables de résister à un choc de quelque violence, et il est impossible de les faire plus solides, car, puisque leur poids absorbe déjà plus de 30 pour 100 de la force ascensionnelle totale, si on les renforçait encore, il absorberait tout le reste, et le ballon ne s’enlèverait plus du tout. Or, la première qualité d’un aérostat, c’est de pouvoir s’élever dans l’atmosphère. Il faut donc se résigner, si l’on veut donner aux ballons des armatures rigides, à se contenter d’une solidité insuffisante. Ces lourdes et frêles carcasses sont l’antipode de ce que doit être une bonne construction aéronautique, dont les qualités primordiales sont, au contraire, la légèreté et la solidité. Pour mon compte, je suis de plus en plus convaincu