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À quoi tient cette situation ? Est-ce à notre incapacité technique ? On ne peut pas l'admettre un seul instant, car tout le monde sait que l'aérostation est ne'e en France, que c'est dans notre pays que les dirigeables ont fait leur apparition, et qu'en cette matière nous avons à peu près tout inventé. Est-ce à notre impuissance financière ? Pas davantage, car les pouvoirs publics ne ménagent pas les millions pour notre aéronautique militaire, et l'opinion les encourage hautement dans cette voie. La France est certainement assez riche pour se payer une flotte aérienne.

La seule cause de notre infériorité est celle que j'indiquais tout à l'heure : une conception inexacte de la situation, l'espoir, non pas chimérique, mais prématuré, de trouver dans les aéroplanes la solution complète du problème de l'aéronautique militaire. Nous pouvons donc faire cesser cette situation fâcheuse, il suffit d'en prendre la ferme résolution.

Mais il ne faut pas nous dissimuler les difficultés de l'entreprise. Quand, depuis plusieurs années, on suit une ligne de conduite erronée, ce n'est pas en un instant qu'on en fait disparaître les conséquences ; il s'est créé des courans que l'on ne remonte pas facilement.

L'accroissement de notre flotte de dirigeables est, avant tout, une question d'argent, et de ce côté nous ne serons pas arrêtés.) Mais quand nous consacrerions des centaines de millions à cette œuvre, nous n'obtiendrions pas un résultat immédiat, La construction d'un gros dirigeable exige, en effet, un temps assez grand, une année au moins ; c'est déjà une cause de retard, mais ce n'est pas tout. Notre industrie ne possède pas des moyens de production indéfinis. Il existe, en France, un petit nombre de constructeurs de dirigeables, parmi lesquels quatre maisons importantes seulement ; on ne peut guère demander à chacune d'elles la construction de plus d'un dirigeable par an, deux au maximum. L'État peut en fabriquer également dans ses ateliers. En mettant toutes voiles dehors, nous pouvons espérer, en un an, augmenter de 6 à 8 unités notre flotte aérienne, pas davantage. La capacité de production de l'Allemagne est certainement beaucoup plus grande. Comment expliquer cette situation ? Toujours par la même raison : le manque de suite dans les idées.

Pour construire de grands dirigeables, il faut des ateliers