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Cavalla, dit la Russie, — principalement sur Cavalla, dit plus largement l’Autriche. — Cavalla est attribué à la Grèce ; on voudrait l’attribuer à la Bulgarie. Mais les Grecs l’occupent, et il ne serait certainement pas facile de les déterminer à en sortir. Comment s’y prendrait-on ? L’Autriche et la Russie recourraient-elles à la force ? L’Europe a déjà sur les bras une question de ce genre, celle d’Andrinople : n’est-ce pas assez ? La question d’Andrinople est embarrassante. A priori il semble impossible que la Porte conserve la ville contre la volonté expresse et unanime des Puissances qui s’est exprimée très nettement. Les Puissances offrent à la Porte une rectification de frontière, mais elles exigent la restitution d’Andrinople. Jusqu’ici la Porte s’en tient au vieux mot : J’y suis, j’y reste. Que faire ? Le problème est ardu, la solution en est incertaine : n’est-ce pas une raison pour ne pas y en ajouter un autre, celui de Cavalla ? D’autant plus qu’il y a entre eux une différence : la question d’Andrinople a été résolue par le traité de Londres qui, ayant été fait un peu sous ses auspices, engage l’Europe ; le traité de Bucarest, au contraire, a été fait entre les Balkaniques seuls et n’engage qu’eux. C’est le fruit de la sagesse roumaine : n’y touchons pas.

Cette impression, qui a été celle de la France, a été aussi celle de l’Allemagne. En dépit de son intimité politique avec l’Autriche, l’Allemagne ne s’est pas crue obligée de demander comme elle la révision du traité, et l’opinion autrichienne ne s’en est pas offensée. Il n’en a malheureusement pas été de même de l’opinion russe en ce qui nous concerne : pendant vingt-quatre heures les journaux de Saint-Pétersbourg ne nous ont pas mieux traités que les journaux italiens. N’avions-nous pas raison de dire, dès le début de la guerre turco-balkanique, que ses conséquences mettraient les alliances à l’épreuve et en détermineraient la crise ? Mais nous ajoutions que la nôtre devait en sortir indemne et nous le répétons avec plus d’énergie que jamais. Entre la Russie et nous les malentendus, lorsqu’il s’en produit, doivent se dissiper vite et nous sommes convaincu que, si la révision du traité en a suscité un, la haute raison du gouvernement russe et la bonne volonté, le bon sens, l’esprit de conciliation du gouvernement français en auront bientôt fait justice. Il y a, pour la Russie comme pour nous, des questions encore plus graves que celle de Cavalla.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.