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des télégrammes retentissans, dans lesquels ils se congratulent de la paix qui vient d’être conclue et la présentent comme définitive : de plus, l’empereur Guillaume a nommé son beau-frère, le Roi de Grèce, feld-maréchal de l’armée allemande. Ce sont là des faits dont l’intention et la signification ne sont pas douteuses. Enfin la politique de la Roumanie à l’égard de l’Autriche a pris dans ces derniers temps un caractère plus libre dont on aurait tout intérêt à Saint-Pétersbourg à favoriser la tendance nouvelle. Tout cela mérite réflexion. Au surplus, l’Europe a encore assez de questions à résoudre pour ne pas en soulever de nouvelles, et, dans le règlement de celles qu’elle s’est réservée, elle rencontrera assez de difficultés, elle causera assez de froissemens, de déceptions et d’amertumes dont quelques-unes au moins seront durables, pour qu’elle s’en tienne là, c’est-à-dire au strict nécessaire, sans aller plus loin, c’est-à-dire à ce qui est à la fois inutile et dangereux.

En veut-on un exemple ? L’Europe s’est donné pour tâche de régler la question des îles ; puisque l’engagement est pris, il faut bien le tenir ; mais que d’orages en perspective ! Cette question des îles met déjà en conflit l’Italie et la Grèce. Nous les aimons l’une et l’autre et nous voudrions bien les concilier : malheureusement, la tâche est difficile, pour ne pas dire plus. L’Italie, dans le traité de Lausanne qu’elle a conclu après la guerre de Tripolitaine, s’est bien engagée à évacuer les îles qu’elle a occupées au cours des hostilités ; mais, au moment d’exécuter sa promesse, elle en éprouve tant de peine qu’on se demande ce qu’elle en fera. Il y a quelque temps, elle s’y était montrée mieux disposée, à la condition que la Conférence des ambassadeurs lui donnât certaines satisfactions dans le tracé méridional de la frontière albanaise ; on les lui a données et, délivrée de ce souci, elle voudrait bien maintenant garder les îles toutes, s’il se peut, et au moins les principales. La France s’est souvenue des anciens engagemens de l’Italie ; la presse les a rappelés ; aussitôt les journaux italiens sont partis en guerre contre nous avec une acrimonie qui rappelle parfois la rudesse tudesque. Les Italiens ont plus que les Allemands le sentiment des nuances, mais ils le perdent dans certains accès de méchante humeur. Nous voudrions bien pouvoir dire à eux et aux Grecs, comme nous l’avons dit aux Balkaniques : Réglez la question entre vous. Nous ne le pouvons pas, puisque la Conférence de Londres est saisie, mais c’est une raison de plus pour que l’Europe ne se saisisse pas par surcroît du traité de Bucarest qui est fait et bien fait. La révision, si elle avait lieu, porterait sur