Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/959

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour deux autres : si, à cette seconde échéance, la paix n’était pas faite, la guerre recommencerait et l’armée roumaine, qui était à la porte de Sofia, y entrerait. Que pouvait faire la Bulgarie ? Elle n’avait à compter sur l’intervention effective d’aucune grande Puissance en sa faveur. Les ressources de la diplomatie étaient épuisées. Il ne restait qu’à céder. La Bulgarie l’a donc fait et, quoi qu’on en puisse dire, elle s’en est tirée mieux qu’elle ne l’espérait peut-être, car la Serbie et la Grèce se sont contentées d’exiger ce qu’elles demandaient déjà avant l’agression des 29 et 30 juin ; elles n’ont pas haussé sensiblement leurs prétentions ; elles en ont même abandonné quelques-unes ; par exemple, la Grèce, a renoncé à Porto-Lago et borné sa revendication à Cavalla. Sur ce dernier point la discussion a été difficile, et délicate, et il y aurait eu un sérieux danger de rupture si la Bulgarie avait été en état de rompre. Dès l’ouverture des négociations, il s’est formé en Europe une opinion moyenne qui a regardé, énoncé comme vraisemblable la solution qui s’est effectivement produite, ce qui prouve que cette solution n’a paru excessive à personne. Aussi regardons-nous le traité de Bucarest comme définitif : l’opinion, en France, est sur ce point unanime.

Il n’en est pas de même partout. Le traité n’était pas encore signé, que le gouvernement autrichien émettait l’avis qu’il devrait être soumis à l’homologation des Puissances. Pourquoi ? Est-ce parce qu’il modifiait les stipulations du traité de Berlin, œuvre collective de l’Europe ? Ce scrupule pourrait paraître singulier de la part de l’Autriche qui, au moment de l’annexion de l’Herzégovine et de la Bosnie, a opposé un refus si catégorique et si tranchant à toute intervention des autres Puissances, ne fût-ce que pour ratifier un acte qui, lui aussi, portait incontestablement atteinte au traité de Berlin. L’Europe s’est inclinée alors, on ne voit pas pourquoi elle ne ferait pas de même aujourd’hui. Nous ne sommes pas de ceux, on le sait, qui croient que l’Europe n’a rien à voir dans les affaires balkaniques. Le droit des pays balkaniques ne supprime pas le sien, qui est de plus vieille date et non pas moins respectable. Si le règlement fait entre les pays balkaniques lésait sur un point important les intérêts généraux de l’Europe, ou seulement ceux d’une grande Puissance, ce n’est pas nous qui contesterions à l’Europe, ou à la Puissance lésée, le droit de prendre les mesures ou de s’assurer les garanties dont elle estimerait avoir besoin. Mais ce droit, l’Europe n’en a-t-elle pas déjà usé ? A quoi donc a servi la conférence des Ambassadeurs à Londres, sinon à cela ? Dès le premier moment, les