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question : elle est dans la difficulté qu’il y aura, étant donné l’état de nos cadres, à instruire deux classes à la fois ; elle est dans la faiblesse que présentera notre effectif avant que cette instruction soit terminée ; elle est dans l’insuffisance même de nos casernes qui ne nous permettrait pas de rappeler, si l’obligation s’en présentait, tout ou partie de la classe congédiée. Ce rappel prendrait d’ailleurs, s’il se produisait, une signification qui ne pourrait qu’aggraver le danger auquel il aurait pour objet de pourvoir. Mais à quoi bon insister sur tout cela ? La loi militaire se présentait au Sénat dans de telles conditions qu’il fallait la voter telle quelle, ou s’exposer, par un renvoi à la Chambre, à rouvrir une discussion qui n’avait déjà que trop duré. Ce dernier danger est celui qui a frappé le Sénat davantage : entre deux maux, il a choisi le moindre. Les circonstances qui pesaient sur lui étaient impérieuses. Si elles l’avaient été moins, il aurait certainement tenu plus de compte des observations que lui ont présentées MM. Milliès-Lacroix et Bienvenu-Martin au nom de la Commission des finances. Dans les derniers jours de la discussion, la Chambre a jeté les millions par les fenêtres, avec une prodigalité où l’on sentait venir les élections prochaines. Malgré le gouvernement, malgré la commission du budget, elle a voté des indemnités déraisonnables aux soutiens de famille, sans même en limiter le nombre, comme l’avaient fait les lois précédentes. Il n’est pas douteux que le Sénat pensait comme MM. Milliès-Lacroix et Bienvenu-Martin ; mais il est probable que MM. Bienvenu-Martin et Milliès-Lacroix combattaient pour l’honneur, pour le devoir, sans d’ailleurs rien espérer. Finalement, la loi militaire a été votée par 244 voix contre 36 et, en dépit de toutes les réserves que nous avons faites, qu’ont faites MM. Milliès-Lacroix et Bienvenu-Martin, qu’avaient faites, à un autre point de vue, et avec beaucoup d’éloquence, MM. de Las Cases et de Tréveneuc, nous ne pouvons pas nous empêcher de dire que tout est Bien qui finit bien.

Quant à la situation financière, elle est très sérieuse ; il faudrait même peu de chose pour la rendre très inquiétante, et cela moins encore par l’importance du déficit prévu pour l’année prochaine que par la nature des remèdes qu’on propose pour y parer. Les socialistes et les radicaux-socialistes savaient bien ce qu’ils faisaient quand ils poussaient à la dépense à l’occasion de la loi militaire : ils voulaient d’abord présenter cette loi au pays comme seule responsable de l’aggravation de charges qui devaient peser sur lui, et ils voulaient rendre ces charges très lourdes, afin d’acculer le gouvernement