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assurer l’instruction et la cohésion où une armée prend sa force. Quoi que nous fassions, la nôtre sera toujours numériquement inférieure à celle de l’Allemagne : c’est une conséquence inévitable de la différence numérique des deux populations. Le général Pau a dissipé une erreur dans laquelle nous nous sommes trop complu, à savoir que cette infériorité de notre armée active était compensée par la supériorité de nos réserves ; il a prouvé, chiffres en main, que l’infériorité n’était pas moindre dans les réserves que dans l’armée active. Faut-il donc se décourager et se reconnaître vaincu sans combat ? Non, certes ; si le nombre est un élément de succès, il n’est pas le seul ; l’histoire est remplie d’exemples mémorables qui montrent le contraire ; que de fois le grand nombre a été battu par un plus petit, pourvu, bien entendu, que la disproportion n’ait pas été trop considérable ! A côté de la quantité, il y a la qualité, et c’est à développer celle-ci que nous devons surtout consacrer nos soins. Les Allemands le font sans doute tout comme nous, et non sans obtenir de très sérieux résultats : mais enfin, dans ce domaine particulier, nous ne sommes pas condamnés par avance à rester au-dessous d’eux, et les vertus natives de notre race nous permettent d’espérer le contraire. Le général Pau a expliqué, autant que la discrétion indispensable en pareille matière le permettait, comment, avec des effectifs plus forts, notre mobilisation se ferait d’une manière plus rapide, en un seul échelon au lieu de deux : ici encore nous avons un effort à faire pour nous mettre au niveau de l’Allemagne et la loi nouvelle a pour but de le rendre possible et efficace. Mais nous ne voulons pas analyser ce discours : comme il ne contient pas un mot de trop, il faudrait le reproduire tout entier. Cette éloquence sobre, simple, sévère a produit sur le Sénat une impression profonde. Quand le général Pau est revenu s’asseoir au banc du gouvernement, où toutes les mains ont serré la sienne, la cause était entendue, il n’y avait plus qu’à voter. Mais on sait que, dans les assemblées, c’est là une simple manière de dire ; même lorsque la cause est entendue, il y a encore des discours à entendre ; il est permis seulement de ne pas les écouter.

Nous avons eu le discours du pacifisme ; M. d’Estournelles de Constant a promis que nous ne donnerions jamais à l’Allemagne motif à nous attaquer et que, si elle le faisait sans raison, elle perdrait les sympathies du monde civilisé. C’est fort bien ; mais si nous étions battus, nous pourrions perdre quelques provinces et nos colonies ; les enjeux ne sont pas égaux. Si la Bulgarie avait battu les