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que coûte le billet donnent droit à une consommation et à un sucre d’orge pour les petits. Dans les théâtres, nous avons à subir des entr’actes interminables, en sorte que le spectacle est le plus ordinairement composé d’entr’actes avec quelques petits actes autour. Au cinéma, vous avez tout juste un ou deux courts entr’actes entre les diverses parties de la représentation. On vous en donne pour votre argent, et cela ne coûte presque pas d’argent ! Vous pouvez arriver quand vous voulez, vous êtes toujours au courant : le spectacle est coupé et vous n’avez pas besoin d’avoir vu ce qui précède. Vous pouvez vous en aller, quand l’ennui commence à vous gagner : vous n’avez pas à savoir comment cela finit. Et cela ne fatigue pas l’intelligence. Quel attrait ! On comprend tout de suite. Et quand on ne comprend pas, on s’en console, sachant de reste qu’on n’y perd rien. Or nous devenons tous les jours plus incapables d’effort. Avoir un effort à faire, c’est notre terreur...

Continuons à passer en revue ce qui fait la « supériorité » du cinématographe, car nous ne sommes pas au bout. Le théâtre aura beau faire et se mettre, autant qu’il pourra, à la dernière mode et au dernier cri, il restera quand même « vieux jeu. » Il est contemporain des vieilles civilisations : il est antique, moyenâgeux et même clérical. Les Grecs y célébraient les exploits de Bacchus et les Français y commémoraient la Passion. Le cinématographe est scientifique. Je le dis avec respect. Scientifique, il l’est par lui-même, étant le résultat des découvertes de la science. Il l’est dans son présent et dans son avenir, attendu qu’il utilisera à mesure les procédés nouveaux, et qu’il ira en se perfectionnant, ainsi que l’automobilisme et l’aéronautique. Comme il l’est par les moyens qu’il emploie, il l’est aussi par une bonne partie des spectacles auxquels il nous convie et qui sont des morceaux de réalité, au lieu d’être de ces fictions qu’inventent les artistes et les poètes. Il est scientifique de voir Alphonse XIII et la reine d’Espagne en séjour à Paris : il ne l’est pas d’entendre dialoguer Rodrigue et Chimène. Il est scientifique de voir les amis de M. Cochon assiégés dans le fort du boulevard Lannes : il ne l’est pas de suivre les cadets de Gascogne au siège d’Arras. Le. théâtre est national, et même local, comme le sont dans les divers pays les langues que n’a pas encore remplacées l’espéranto. Une pièce française, anglaise, allemande, pour être comprise hors de son pays d’origine, a besoin d’être traduite, et elle y perd. Le film cinématographique se comprend dans toutes les langues. Le cinéma est international.

Et ce n’est pas tout... Pourtant ne nous hâtons pas de tenir la