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désespoir, quand, étant allée droit au précieux tiroir, elle le trouve vide et nous fait dûment constater qu’il est vide. Aussitôt elle se précipite chez le détective, qui se précipite à la recherche du voleur, lequel, vous le pensez bien, s’est enfui avec précipitation. Ah ! ces gens-là ne flânent pas ! C’est à qui gagnera l’autre de vitesse. De l’auto nous les voyons sauter dans le chemin de fer, dont la locomotive s’ébranle, souffle et crache sous nos yeux, du wagon dans le paquebot, du paquebot dans le métro, etc. Le tour du monde est bientôt fait, et le collier retrouvé, car au cinématographe, on retrouve toujours les colliers dérobés. Ce genre de cinémadrame a des analogies avec le drame policier, et j’ai remarqué en effet que le genre policier fait florès au cinéma. — Mais voici mieux. Un vieux gentilhomme vit dans le château de ses pères. Il ne s’embête pas le vieux gentilhomme, si j’ose m’exprimer ainsi, car le château de ses pères est le château de Pierrefonds, tout bonnement. Toutefois, un pli de tristesse barre son front. C’est qu’une fille qu’il avait, lui a été enlevée en bas âge ; et depuis, onques n’en a-t-il reçu de nouvelles. Enfin il s’est adressé à une agence, et il a appris que sa noble fille était danseuse à New-York. Il charge son homme de confiance d’aller trouver la ballerine, de lui révéler son aristocratique origine, et de la ramener à Pierrefonds. Ainsi fut fait. La fille du duc reprend sa place dans la meilleure société française, où elle ne tarde pas à faire la conquête d’un jeune homme accompli qui se prépare à l’épouser. Mais vous pensez bien qu’à New-York c’est comme partout : dans les music-halls les vertus, même les plus farouches, sont très sollicitées. Un amoureux, qui a traversé l’Atlantique, vient rappeler son passé à l’oublieuse fiancée qui en devient folle. Au bord d’une pièce d’eau, elle joue au naturel le rôle d’Ophélie. On la repêche à temps. Finalement elle recouvre la raison, épouse le bon jeune homme, et, marquise ou duchesse, sert à l’édification des familles les plus collet-monté dans le faubourg Saint-Germain. — Ou encore. Le roi d’Illyrie souhaitant que son fils reçoive une éducation française, envoie le jeune prince à Paris chez un professeur. Le professeur a une fille dont le prince devient amoureux. Sur ces entrefaites, le roi d’Illyrie étant mort, une délégation vient rechercher à Paris l’héritier du trône. L’héritier repart afin de se consacrer au bonheur de ses peuples. Mais la fille du professeur s’étant engagée parmi les infirmières de la Croix-Rouge, se fait envoyer en Illyrie où la guerre vient d’éclater contre les Bulgares. Les deux jeunes gens se revoient, constatent qu’ils s’aiment toujours, et se disent un éternel adieu. C’est Bérénice adaptée au cinéma... Dans tous ces cinémadrames,