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déjà, dans le répertoire du théâtre de tous les temps, un nombre respectable de variétés ; nous avions la comédie d’intrigue et la comédie de mœurs, le drame, le mélodrame, etc. Voici maintenant que s’y ajoutent le cinémadrame et la cinémacomédie.

Commençons par la cinémacomédie qui est de beaucoup la moins compliquée. Bigorno a résolu de se défaire de son chien : il l’enferme dans une caisse, charge cette caisse sur ses épaules, gagne un endroit écarté et solitaire, y creuse une fosse, y enfouit la caisse et la recouvre d’une pelletée de terre. Mais un chemineau ayant assisté à l’enfouissement de la caisse, ne doute pas qu’elle ne contienne un trésor ; il la déterre, l’ouvre ; le chien de Bigorno en sort et donne la chasse à son libérateur. Affolé, celui-ci court par les bois, par les champs, par les rues, entre dans les maisons par les portes et en sort par les fenêtres, à moins que, s’étant introduit par la fenêtre, il ne se sauve par la porte. Le chien, attaché à ses pas, se précipite sur ses traces. Cependant sur le passage du couple vertigineux tout se renverse, s’effondre, se brise. C’est ici un atelier de modistes, et ces demoiselles sont assises en couronne autour d’une table chargée de formes, rubans, coiffes, cartons et autres ustensiles usités pour la confection des modes. Soudain la table se soulève, les fournitures pour modes s’éparpillent, les modistes terrifiées s’enfuient. C’est ailleurs une salle à manger où dînent des bourgeois paisibles, lorsque tout à coup la table se renverse, entraînant dans sa chute les plats dont la sauce s’écoule, les bouteilles dont le liquide s’échappe, toute la vaisselle et tout le vaisselier. Et ainsi de suite jusqu’à ce que le chien de Bigorno soit rentré dans la niche d’où son maître n’aurait jamais dû le faire sortir. Au chien vous pouvez substituer un chat, ou tout autre quadrupède ou bipède, et même un homme ou plusieurs hommes. Le thème est identique et les variations sur ce thème sont en nombre illimité. Vous me direz que cela ressemble beaucoup au vaudeville à poursuite où les portes et fenêtres jouent le grand rôle. Oui, mais toutefois avec un degré en plus dans la bouffonnerie et l’innocence.

Le cinémadrame admet plus de diversité. Exemple. La scène représente une chambre richement meublée, avec un secrétaire bien en vue. La porte s’ouvre ; un individu s’introduit, s’assure qu’il est seul, et se met en devoir de fracturer le secrétaire d’où il tire un collier magnifique, valant trois millions, comme valent les colliers qui disparaissent : il se l’approprie, non sans nous l’avoir au préalable fait admirer. Arrive la propriétaire du collier qui, frappée par le désordre des meubles, manifeste une grande surprise, qui se change en un grand