Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/926

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et d’ouvriers qui traînent une abondante marmaille. On m’assure que ce sont d’ailleurs toujours les mêmes. Comme l’Opéra et la Comédie Française ont leurs abonnés, les cinémas ont leurs habitués qui ne manquent pas un spectacle nouveau. Et il y a un spectacle nouveau toutes les semaines ! L’affiche est soigneusement renouvelée tous les huit jours !

Le programme est très ingénieusement distribué et de façon qu’il y en ait pour tous les goûts. Il y a d’abord une partie sérieuse, instructive et, comme ils disent, « documentaire. » C’est la leçon de choses. N’oublions pas que nous sommes entre primaires. On a fait des conférences, on a écrit des traités sur ce sujet : l’éducation du peuple par le cinématographe. « Études de vagues, » dit le programme. En effet, devant nous une vague se dessine, s’enfle, écume et déferle. Puis une autre, puis d’autres encore, et toutes de types différens, comme il convient pour une étude, qui doit être comparative. Il y en a de larges, de hautes, de généreuses comme dans l’Océan ; il y en a de petites, de courtes et de méchantes comme en Méditerranée. Cela se soulève, cela s’abaisse, cela roule et cela tangue. « Il était temps que cela finît, soupire quelqu’un près de moi : j’allais avoir le mal de mer. » Et c’est, dans l’occurrence, le plus délicat des complimens. Après les eaux de la mer, leurs habitans. Voici la torpille, poisson électrique. Vous connaissez, pour en avoir entendu parler, l’étrange propriété de ce poisson qui électrocute tout ce qui l’approche. Mais combien une connaissance de visu l’emporte sur l’autre ! Reprenons terre. Vous n’avez peut-être jamais visité d’exploitations forestières. Regardez donc ces grands arbres, hauts et fiers, s’abattre sous la cognée, et devenir de simples bûches qu’on empile sur des trains pour les charrier vers la rivière prochaine où ils flotteront jusqu’à destination. Beaucoup de voyages. Le voyage est tout ce qu’on peut imaginer de plus instructif et de plus actuel. En quelques jours d’excursions cinématographiques, j’ai été transporté aux ruines d’Angkor, au Caucase et dans vingt autres « pays estranges » où j’aurais juré que je ne serais allé jamais de ma vie. J’ai revu aussi les monumens de Milan que je connaissais déjà : le dôme, le château des Sforza, la Chartreuse de Pavie. Assurément, c’est moins bien que l’original, mais c’est moins cher et on n’a pas l’ennui du déplacement : cela se compense. Et les merveilles de l’industrie ! Les prodiges de la construction métallique ! Les engins nouveaux à l’usage de la paix ou de la guerre ! On vient de mettre en service dans les armées italiennes des automobiles blindées. Nous les voyons manœuvrer devant nous.