Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/923

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE DRAMATIQUE

L’AGE DU CINEMA

Le cinématographe est entré dans nos mœurs. Il y est installé sous la domination abréviative et populaire de « cinéma. » On va au cinéma. On y va même beaucoup, et tout le monde y va. On en a mis partout. Salles, magasins, manèges, hangars, boutiques ont été aménagés pour le service de ce culte nouveau. Des cirques et des music-hall ont été désaffectés. Ici on grimpe des étages, là on descend dans la cave. Sur les boulevards, des encadremens d’électricité allumée en plein jour invitent le passant. Dans les quartiers excentriques de larges bandes de toile servent d’enseignes au cinéma du pauvre. On joue tous les jours, tout le jour et une partie de la nuit. Tout change, tout passe, tout a une fin : quelle que soit la saison et quel que soit le gouvernement, quand il ne reste plus rien ni personne à Paris, il reste le cinématographe et du monde au cinéma. Dans l’univers entier, des opérateurs s’occupent à l’approvisionner de films généralement sensationnels. Ils « tournent, » tournent, tournent. Dans toutes les régions et sous toutes les latitudes se succèdent cérémonies, incidens, accidens, drames et faits divers : aussitôt, ils sont reproduits sur l’écran magique. Scènes de la vie publique, actes et entractes de la comédie humaine sont également matière à cinématographe et semblent n’avoir pas d’autre raison d’être : tout devient film et tout est cinéma. Ce qui est vrai de Paris, l’est aussi bien de la province et de l’étranger. C’est ici que les frontières s’abaissent, que les langues se confondent et que les peuples fraternisent. Un éminent statisticien, M. Daniel Bellet, s’est livré, sur ce sujet, à des calculs extrêmement