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fonctionnaires en comprendre la langue ; les conseils généraux seraient admis à discuter avec les valis les questions relatives à l’administration du pays ; des conseillers étrangers seraient appelés. Ces dernières clauses sont vagues. On se demande si cet accord est a quelque valeur, si les signataires avaient qualité pour le conclure et comment la population l’accueillera. Ces concessions dénotent une idée vraiment politique ; elles semblent préparer l’organisation d’une sorte de dualisme turco-arabe où chacune des deux nations aurait, — comme dans l’empire austro-hongrois, — ses droits bien définis, ses engagemens bien déterminés. Un tel système offrirait aux ambitions impatientes de certains Arabes l’appât d’une participation très importante au gouvernement de l’Empire, il pourrait peut-être s’imposer aux populations, mais il ne suffirait pas à les satisfaire ; elles tiennent surtout à garder leurs libertés particulières, à obtenir leur autonomie administrative. On peut craindre d’ailleurs que le dualisme turco-arabe ne devienne tôt ou tard un instrument pour opprimer la minorité active et cultivée des Arabes chrétiens et même les chrétiens d’autres races, tels que les Arméniens. Les chrétiens de Syrie ont donné de grandes preuves de sagesse et de modération ; ils auraient pu tenter, à la faveur de la guerre, de mettre la Porte et l’Europe en présence d’un fait accompli, de saisir eux-mêmes les libertés qu’ils réclament, de proclamer, par exemple, la réunion de Beyrouth au Liban ; les conseils de la France ont beaucoup contribué à calmer leurs impatiences ; ils méritent à tous égards d’obtenir les principales réformes dont ils ont besoin.

Pour le vilayet de Beyrouth, le programme arrêté dans la réunion du 31 janvier paraît bien conçu et renferme toutes les garanties nécessaires. Il y est stipulé que les deux religions seront également représentées dans le conseil général futur ; cependant les élections à l’ancien conseil viennent d’avoir lieu et l’intervention occulte du Comité a empêché les musulmans de Beyrouth de saisir l’occasion d’appliquer par avance l’accord nouveau ; les chrétiens n’ont eu qu’un siège sur trente-six. Le fait n’est pas de bon augure. Toute réforme, si excellente soit-elle, n’inspirera confiance à la population arabe et, en particulier, aux minorités chrétiennes de Syrie, que si elle s’accomplit avec la haute et impartiale approbation de la France et si des conseillers étrangers sont appelés à collaborer à son