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plus facile de nous envier les sympathies, que de nous les enlever. Même si, en un jour de défaillance, la France était tentée de renoncer dans le Levant à sa politique et à ses intérêts traditionnels, elle ne le pourrait pas ; on ne s’ampute pas soi-même ; on peut vendre un chemin de fer, on ne peut pas dire à toute une population qui tend vers nous des bras confians : cherchez d’autres patrons. De ce fait, l’influence française possède en Syrie une avance considérable. De plus, les principales lignes de chemin de fer, l’entreprise de plusieurs ports appartiennent à des sociétés françaises ; notre ambassade demande en ce moment au gouvernement de Constantinople des concessions complémentaires. C’est à coup sûr une position forte, mais que les négligences de notre politique, certaines fautes, comme la rupture de nos relations diplomatiques avec le Saint-Siège, sans oublier les efforts de nos rivaux, ont certainement affaiblie.

Les Anglais, par le fait qu’ils occupent l’Égypte, sont voisins de la Syrie ; de tout temps, depuis Sésostris et les Ptolémée jusqu’à lord Kitchener, les maîtres de l’Égypte ont cherché à dominer dans la marche syrienne qui couvre les approches de l’isthme et qui assure un débouché militaire et commercial vers le Nord. Les Anglais se préoccupent de fortifier les abords de l’Égypte et les routes de l’Inde ; c’est pourquoi ils s’intéressent à l’avenir de la Syrie et de l’Irak. Ils n’ont pas besoin d’ailleurs d’y faire une propagande directe ; de nombreux Syriens vont en Égypte ; dans les administrations, dans les affaires, ils occupent des situations lucratives ; ils sont bien accueillis, recherchés et fêtés par le Khédive et par les autorités anglaises. Les riches Syriens d’Égypte viennent volontiers chercher, pendant les mois d’été, la fraîcheur des montagnes libanaises : le Syrien, qui souffre de son mauvais gouvernement, admire l’ordre qui règne en Égypte, la liberté relative dont on y jouit, surtout la prospérité matérielle dont les gens avisés savent profiter : de là une sympathie naturelle qui porte les classes riches, surtout parmi les musulmans, vers l’Angleterre. Tout au contraire, les Algériens émigrés en Syrie pour y fuir la domination française travaillent contre nous et font aux musulmans de Syrie un tableau mensonger du régime français dont ils s’efforcent de répandre la haine ; ils détruisent peu à peu le prestige que la noble loyauté d’Abd-el-Kader avait ajouté au renom de la France parmi les Arabes. Il est certain que le jour où des évènemens