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et de liberté ; il ne tarda pas à être déçu. L’assassinat de l’émir Mohammed Arslan, député très populaire en Syrie, pendant les journées d’avril 1909, commença la scission entre les Turcs et les Arabes. La politique centralisatrice, musulmane et turque, du Comité Union et Progrès fut combattue par les Arabes ; ils groupèrent leurs forces dans l’opposition. Zehrawi effendi, député de Hamah, Boustani effendi, député de Beyrouth, puis sénateur, devinrent les adversaires infatigables de la tyrannie jacobine des Jeunes-Turcs. Le second surtout, savant polyglotte, humaniste distingué, traducteur de l’Iliade en vers arabes, jouit dans toute la Syrie d’une autorité qu’il sait maintenir au-dessus des divisions politiques et des questions de personnes. Le mouvement autonomiste faisait des progrès quand survint l’agression des Italiens contre la Tripolitaine ; elle eut pour effet immédiat de rapprocher les Arabes, surtout les Arabes musulmans, des Turcs, et de détourner, pour un temps, sur l’Italie et sur les chrétiens en général, les colères de l’opinion. Mais, la guerre finie, les revendications nationales reparurent ; le désastre des armées turques en Europe leur offrit l’occasion de s’affirmer et l’espoir de triompher.

Quelles sont au juste ces revendications ? Il est difficile de l’indiquer avec précision, car il y a presque autant de programmes que d’individus ; il est certain cependant que celui de Beyrouth, celui du congrès de Paris, représentent l’opinion de plusieurs groupes importans. D’une façon générale, on peut dire que les Arabes de Syrie ne sont pas séparatistes, mais ils veulent exercer une influence plus grande dans l’administration de leur pays et obtenir une participation au gouvernement général de l’Empire mieux proportionnée à leur nombre et à leur culture. Quelques-uns élèvent leurs prétentions jusqu’à une complète autonomie administrative ; enfin ils veulent que la langue arabe, qui est la langue religieuse et littéraire de l’Empire, devienne la langue officielle des pays arabes et soit admise au Parlement à l’égal du turc. Voilà l’essentiel, le reste est détail et modalités.

À la fin du mois de janvier 1913 se réunissait à Beyrouth une Assemblée générale de 86 membres élus par les Comités électifs des diverses communautés du vilayet de Beyrouth ; elle rédigeait un programme en quinze articles qui résume assez bien les aspirations moyennes des Syriens. Le vilayet demeure