Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/902

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cette différence fondamentale est l’une des raisons de l’accueil que les demandes des Arméniens ont trouvé auprès des Chancelleries et notamment auprès du cabinet de Pétersbourg.

À l’automne 1912, l’action s’engage par une démarche officielle du patriarche arménien de Constantinople, délégué par l’Assemblée nationale, auprès du grand vizir, pour obtenir la cessation du régime d’insécurité intolérable qui, depuis si longtemps, paralyse la vie et l’activité dans les six vilayets. Il n’obtient que des promesses et, pour en souligner l’insuffisance, il adresse sa démission à l’Assemblée nationale par une lettre datée du 8 (21) septembre ; l’Assemblée refuse la démission et nomme une commission chargée de poursuivre les démarches auprès de la Porte. La guerre et les défaites turques en Europe vinrent rendre la situation plus instable en Asie, les démarches arméniennes plus pressantes et la Porte plus traitable ; mais la bonne volonté, tardive et intéressée de celle-ci, se heurtait à une impossibilité matérielle de faire des réformes sérieuses au moment où toutes ses forces militaires, toutes ses ressources financières, toute son attention, se portaient vers la Thrace et Tchataldja. Le 12 mai 1913, l’Assemblée nationale remit au grand vizir un mémoire dans lequel elle attirait son attention sur le danger que la question arménienne pouvait faire courir à l’existence même de l’Empire et sur l’urgence d’une solution ; elle obtenait de Mahmoud Chefket pacha une réponse où le bien-fondé des réclamations arméniennes était implicitement reconnu. « Les Arméniens, disait-il, ne sont pas seuls à subir le brigandage ; il y en a d’autres qu’eux qui souffrent aussi. Le gouvernement a la ferme intention de mettre fin à tous les crimes. Trop de paroles ont été prononcées, trop de promesses faites. J’éviterai de faire des promesses, le gouvernement se signalera par des actes… » En même temps, il constatait son impuissance et déclarait à l’ambassadeur de France que les réformes à faire pour les Arméniens se ramenaient en fin de compte à assurer leur sécurité contre les Kurdes, qu’il fallait pour cela disposer de quelques troupes et par conséquent attendre la pacification définitive des Balkans, que toutes les circulaires ou prescriptions qui ne seraient pas appuyées sur la force ne pourraient servir qu’à exaspérer les ennemis acharnés des Arméniens et à provoquer un massacre. Telle est encore aujourd’hui la situation : attendre, attendre toujours ; mais les événemens marchent ; déjà Mah-