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Asie) ; et afin de mettre l’Angleterre en mesure d’assurer les moyens nécessaires pour l’exécution de son engagement, S. M. I. le Sultan consent, en outre, à assigner l’île de Chypre pour être occupée et administrée par elle. »

La convention de Chypre, antérieure au traité de Berlin, en éclaire le sens et suffit à expliquer pourquoi les réformes, promises spécialement à l’Angleterre et généralement à toutes les Puissances, restèrent en fait lettre morte. Elle explique aussi comment l’Arménie, pour son malheur, devint, entre les mains des Anglais, un bastion avancé destiné à arrêter l’expansion russe. Influence russe et influence anglaise se battirent sur le dos des Arméniens, et le Sultan en profita pour les massacrer. Les événemens de 1894-1896 trouvent leur explication première dans la convention du 4 juin 1878.

Le retentissement des massacres d’Arménie émut si vivement l’opinion européenne qu’il fallut bien reparler des réformes promises par le traité de Berlin, préparées même par une note collective des ambassadeurs en septembre 1880, mais restées sans aucune application. Les ambassadeurs se remirent à l’œuvre et préparèrent un plan très étudié, très complet, de réformes pour l’Arménie : c’est le memorandum du 11 mai 1895, rédigé par les ambassadeurs de France, de Russie et d’Angleterre. L’article 61 du traité de Berlin constitue la Charte de l’Arménie et établit son droit aux réformes, le memorandum du 11 mai en prépare les modalités ; il sert encore aujourd’hui de base aux demandes des Arméniens ; en voici le résumé :

Réduction du nombre des vilayets : une refonte des circonscriptions administratives s’impose pour séparer les cantons exclusivement musulmans de ceux où les Arméniens sont nombreux, et pour unifier l’administration en diminuant le nombre des circonscriptions.

Garanties pour le choix des gouverneurs (valis) : les ambassadeurs à Constantinople auront le droit d’intervenir dans la nomination des valis en avertissant la Porte lorsqu’ils auront lieu de craindre que le choix de tel personnage ne devienne une cause de troubles.

Les valis pourront être chrétiens : théoriquement, en vertu de multiples textes, depuis le hatti-chérif de Gulhané jusqu’à la constitution de 1908, les valis peuvent être chrétiens ; en fait, ils ne l’ont jamais été dans les vilayets arméniens ;