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dont le mirage déçoit de tous les côtés son ardente convoitise.

Le traité de San Stefano, dans son article 16, stipule formellement des réformes immédiates en faveur des Arméniens :


Comme l’évacuation par les troupes russes des territoires qu’elles occupent en Arménie, et qui doivent être restitués à la Turquie, pourrait donner lieu à des conflits et à des complications préjudiciables aux bonnes relations des deux pays, la Sublime Porte s’engage à réaliser, sans plus de retard, les améliorations et les réformes exigées par les besoins locaux dans les provinces habitées par les Arméniens, et à garantir leur sécurité contre les Kurdes et les Circassiens.


L’engagement de la Porte est pris vis-à-vis de la Russie et comme, en même temps, le tsar se fait céder Bayézid, Alachkert et la route de Trébizonde à Téhéran par Tebriz, d’où l’on commande tout le massif arménien et les sources des grands fleuves, l’alarme est vive en Angleterre. Le Foreign Office travaille activement à prévenir cette mainmise de la Russie sur les provinces arméniennes ; il obtient, au traité de Berlin, une réduction des conquêtes asiatiques de la Russie qui lui enlève la route de Perse et les villes qui la commandent ; sur un point essentiel, le texte du traité de San Stefano est modifié et devient l’article 61 du traité de Berlin.

L’article débute par les mots qui terminent le texte de San Stefano : « La Sublime Porte s’engage, etc., » qu’il fait suivre de la phrase suivante : « Elle donnera connaissance périodiquement des mesures prises à cet effet aux Puissances qui en surveilleront l’application. » Ici, la Porte n’est plus engagée vis-à-vis de la Russie, mais, collectivement, vis-à-vis de toutes les Puissances : engagement plus précis, plus strict en apparence, plus vague en réalité et qu’elle éludera d’autant plus aisément que, en fait, les Puissances s’en remettent à l’Angleterre de l’application des réformes. Celle-ci, par la convention du 4 juin 1878, a conclu avec la Turquie une alliance défensive dont l’objet est précisément de défendre l’intégrité des provinces ottomanes d’Asie contre toute ambition étrangère. La convention s’exprime ainsi :

«… En revanche, S. M. I. le Sultan promet à l’Angleterre des réformes nécessaires (à être arrêtées plus tard par les deux Puissances) ayant trait à la bonne administration et à la protection des sujets chrétiens et autres de la Sublime Porte, qui se trouvent sur les territoires en question (les territoires turcs en