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tique qu’économique, destinée à relier les parties les plus lointaines de l’Empire avec la capitale, à servir d’épine dorsale à ce grand corps invertébré ; il n’empêchera pas le mouvement commercial de chercher les voies les plus directes pour atteindre la mer ou, de la mer, pour pénétrer à l’intérieur.

Dans les replis des montagnes, dans les vallées écartées, de vieilles races, d’antiques religions ont trouvé asile contre les invasions, pourtant si fréquentes, qui ont traversé et dominé le pays. La Syrie est un musée des religions, et les anthropologistes perdraient leur science à mensurer les crânes pour supputer les croisements d’où la population actuelle est sortie. Diversité du sol et du climat, diversité de races, diversité de religions, tout prédispose au particularisme les domaines sur lesquels règne en Asie le padischah des Ottomans ; il s’est contenté, depuis six siècles qu’il les a conquis, d’y exiger l’obéissance sans y faire œuvre d’assimilation, d’unification ; il eût échoué dans cette entreprise impossible, comme y ont échoué tous les maîtres successifs de l’Asie occidentale. Ni les anciens rois de Perse, ni Alexandre, ni les Romains, ni Byzance ne sont parvenus à effacer, ni même à atténuer les sentimens d’indépendance, de particularisme des divers peuples qu’ils ont, pour un temps plus ou moins long, réunis par la force sous leur domination. On n’est jamais parvenu à faire vivre ensemble ces pays si disparates qu’en respectant leur diversité, en n’essayant pas de faire violence à leur personnalité. Les Turcs d’aujourd’hui ne sauraient réussir là où de plus grands ont échoué ; la condition même du maintien de leur domination, c’est le respect des caractères divers de chaque région ; le même régime, les mêmes réformes ne sauraient convenir à des populations de civilisations très différentes allant depuis l’état sauvage, où vivent de certaines tribus nomades, jusqu’à la haute culture de l’Europe occidentale. Les règles dont la Porte ne peut pas s’écarter sans péril sont déterminées par la géographie et par l’histoire ; elles sont dans une prudente adaptation des moyens de gouvernement aux mœurs, aux coutumes, aux aspirations de chacune des populations qu’il s’agit de faire vivre en paix dans l’Empire ottoman sans entraver, et, au contraire, en aidant le développement particulier de chacune d’elles.

L’ébranlement produit par la révolution de 1908 et surtout par la guerre de 1912 s’est répercuté dans toute la masse de