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LA RÉORGANISATION
DE
LA TURQUIE D’ASIE

Tandis que les vainqueurs de la Turquie, ivres de fureur et de carnage, hier encore, se déchiraient les uns les autres, comme des chiens sur la proie qu’ils viennent d’abattre, et que, dans la confusion générale, les Turcs eux-mêmes, rompant le traité de Londres, risquent d’attirer sur leur pays de nouveaux malheurs et sur l’Europe de nouveaux dangers, l’opinion, lasse de ces rumeurs de bataille, énervée d’incertitude, se demande avec anxiété si la liquidation de l’Empire ottoman pourra être limitée à l’Europe et à l’Afrique, ou si elle s’étendra à l’Asie. Les chancelleries cherchent la formule du remède qui donnerait confiance et satisfaction aux populations de la Turquie d’Asie sans provoquer la dislocation de l’Empire et, au contraire, en l’affermissant. Les Turcs doivent comprendre qu’une heure décisive est venue où l’avenir de leur race est suspendu entre les deux termes de cette alternative : ou une conception nouvelle de leur empire, comportant un changement profond dans leurs méthodes et leurs procédés de gouvernement, ou la ruine définitive. Les Arabes, les Arméniens, les populations non turques interrogent l’horizon et se demandent qui leur apportera les conditions nouvelles de vie auxquelles, plus ou moins consciemment, elles aspirent toutes. Arrêtons-nous un instant à ces problèmes redoutables, dont la solution, sous quelque aspect qu’on l’envisage, apparaît incertaine et difficile, et qui menacent les