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et courts articles que j’ai faits m’ont coûté une peine infinie et laissé un mépris horrible de mon travail. Je n’ai pas écrit une lettre. Voici la première depuis je ne sais combien de jours. Excusez-moi auprès du fils Alexis ; mais quand je ne vous écris pas, ma chère amie, qui osera demander que je lui écrive ?

Enfin pourtant je me remets un peu. Je vais aller à la Fête-Dieu en Bretagne chez les Sœurs des pauvres. J’y mène ma fille Agnès, très éprouvée aussi par le départ de sa sœur, et qui a besoin du grand air. Je vous écrirai pendant les huit jours sur lesquels je compte pour l’espèce de rétablissement que je peux encore espérer. Il me semble bien que je décampe, ma chère amie. Si c’était à vous de dire le De Profundis consolateur et joyeux que se doivent ceux qui ne se quittent pas pour toujours, il ne faudrait pas vous étonner. La plume est lourde à porter lorsque au lieu d’encre on la charge de sang de ses veines, comme j’ai fait trop souvent. Cela va bien jusqu’au dernier jour, mais le dernier jour vient plus tôt et vient soudain..

Enfin, je vous aime bien, voilà ce qui est sûr, et vous me le rendez bien, voilà de quoi je suis sûr... Je vous garantis que c’est une chose qui fait plaisir. Adieu, chère amie.


LOUIS VEUILLOT.