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dans ce temps-là, on aimait à vivre parce que l’on vivait bien. On était exempt de quantité de sottises venant de soi-même ou des autres, qui véritablement empoisonnent le pain, le vin et l’air. Je dis cela pour ce diable d’Orléans qui sans doute vous fait sauter, comme je saute à l’occasion de quelque autre diable qui vous travaille aussi solidement, quoique avec moins d’éclat. Ces sortes de braves gens sont impatientans au possible et surtout ils impatientent les amis. Que voulez-vous, ma chère amie Léontine ? Regardons le frère Jésus, le bon frère Jésus, le grand Dieu Jésus qui ne nous fait et ne nous fera jamais de mal, et qui arrangera tout. Alors, nous accepterons tout et nous nous accommoderons des plusieurs autres années que l’on nous souhaite. Grâce à Jésus, il y a aussi de l’excellent dans le mauvais de ces années de surcroit. Nous avons eu, vous et moi, deux jours sur la fin de 73, qui peuvent compter pour suffisamment emmiellés. Quelle joie bonne et pleine, et encore savoureuse ! J’en garderai le cher souvenir, et vous ne l’oublierez pas.

J’ai retrouvé ici bien des ennuis, dont l’évêque d’Orléans n’est pas le seul ni le premier. Ils passeront comme tant d’autres, et s’ils ne passent pas, c’est moi qui passerai, ce qui revient au même. En attendant, je suis toujours bien content de vous avoir revue. Priez pour moi, ma très chère amie. Je vous le rends. Je me recommande à l’amitié du cher Bleuet et du bon Alexis. Disons-nous tous qu’il faut tout oublier pour retrouver tout en Jésus. Là, tout ce qui est bon se retrouve éternel et glorifié, et ce qui n’est pas bon est purifié ou meurt. Tout à vous.


Paris, 15 janvier 1874.

Si le R. P. Chocarne, comme je crois, est le même qui a écrit une Vie du P. Lacordaire, il a des sentimens pour moi qui se rapprochent plus de ceux de l’évêque d’Orléans que de ceux de Mme Volnys, et, malgré le grand goût de Mme Volnys pour l’habit de saint Dominique, le P. Chocarne devra s’observer à mon endroit pour n’être pas écharpé. Je pense qu’il n’arrivera aucun des malheurs que je redoute. Dites au P. Chocarne que je suis indestructible auprès de Mme Volnys ; dites à Mme Volnys que je suis indestructible auprès du P. Chocarne et qu’ils vivent en paix.