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d’avoir de mauvais momens à passer et qu’elle se méfie de prendre goût aux triomphes. Adieu, très chère amie. Je finis avec mon papier. Si j’en prenais un autre, je recommencerais à causer, et le père Volnys se demanderait ce que nous avons tant à nous dire.


Plombières, 21 juillet 1873.

Petit bonhomme vit encore, chère amie, mais je me suis cru mort, et même davantage. Plein d’une force insolente, j’ai été pris tout à coup d’une faiblesse nerveuse, dit-on, qui m’a mis dans le plus triste état. Je n’étais pas malade, mais la mémoire des mots me manquait, et je ne pouvais exprimer deux idées, surtout les écrire. La moitié s’en allait quand je voulais parler ; tout partait dès que je prenais la plume. Je perdais ainsi à la fois tous mes amis, et mon métier par-dessus le marché. Le métier passe encore ; les amis, il y en a toujours dont on peut se priver ; mais les autres, les bons,. les vrais, et ma Léontine à peine retrouvée, c’était triste. Cet état a duré pendant un bon mois sans que j’y sentisse une amélioration. Ce que l’imagination m’a conté tout ce temps-là est abominable ; et tout le monde me disait : N’y songez pas, ce n’est rien ! C’était plus que quelque chose, et j’y songeais beaucoup, tout en me résignant, parce qu’enfin il faut vouloir ce que Dieu veut. Mais quelle vertu que la résignation, et combien difficile à atteindre !

Bref, cela va mieux, je dirais presque : cela va bien. Cependant, il y a encore des restes, mais ils passent. Plombières a fait ce beau coup, avec celui qui fait tout soit par Plombières, soit par autre chose. Je vous en donne avis tout de suite, pour que vous m’écriviez très vite. Et vous, ma chère amie, comment cela va-t-il, et où en est le père Volnys ? Adieu, je vous embrasse. Il faut que je parte au galop pour une course dans les montagnes. Je vous embrasse encore, et houp !


Paris, 27 juillet 1873.

Très chère amie, merci de votre lettre charmante. Je suis arrivé tout juste pour la recevoir. Ma santé se soutient et j’espère me rattraper tout à fait. Il y a bien quelque chose que je n’ai pas encore, mais ça vient ; et si ça ne vient pas, en somme ça m’est égal. Je donne tout au bon Dieu pour ne rien perdre.