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commencées par le garçon que vous connaissez. Il y avait du fantasque dans les idées de cette digne femme sans usage et sans littérature.

Je croyais avoir tant à vous dire sur la personne haute et bonne dont vous me parlez et dont je crois avoir deviné le nom ! Au fond, tout se réduit à ceci que je prie pour elle du meilleur fond de mon cœur. Les grandeurs du monde sont de terribles liens. Il faut demander à Dieu de vouloir bien passer à travers les barreaux d’or que le diable a façonnés pour emprisonner certaines âmes de grand choix. De pauvres rats comme nous ne peuvent ronger les filets où sont pris leurs amis les lions. Heureusement, Dieu entend aussi les soupirs des grands faibles dont les rugissemens font trembler la terre. Lorsqu’ils sont au fond humbles et doux, leur cause est très bien plaidée par eux-mêmes. Ils ont des aumônes à répandre, des grâces et des consolations peuvent descendre de leurs mains enchaînées. Ils apprennent aux moucherons, toujours disposés à se plaindre, à connaître la bonté de Dieu qui leur a donné la petitesse et la liberté. En retour, ils auront moins que les moucherons à rendre compte de cette liberté qui leur est mesurée si étroitement. J’ai toujours dit de pleine foi et de plein cœur que la bonne place en ce monde est la place sur le pavé. Combien vos quelques mots de moucheronne à l’occasion de cette âme si élevée et si captive me font sentir l’inappréciable bonheur de n’être rien, qui me laisse libre d’aller chercher le soleil où je le vois ! Dites à la grande prisonnière, si vous le pouvez, de la part de son frère le moucheron, de prier à la vaste mesure de son cœur, pour la liberté de la Mère Église et pour la consolation et la force du vrai père des chrétiens, captif aussi. Le bon Dieu l’entendra, la délivrera et la retrouvera au dernier jour.

J’ai vu la bonne Mme Sauvage. Nous avons solidement causé en mettant les morceaux doubles. Je l’ai rudoyée de la patte de velours. Je me suis permis de lui faire entendre en bon français qu’elle n’avait pas le sens commun. Elle était bien persuadée du contraire, mais l’esprit de la Mère François m’a fait trouver un argument baroque pour la décider à se confesser et à faire ses pâques : — Mame Sauvage, vous aimez donc tant votre fils, vous avez tout fait, vous voulez tout faire pour lui ; il est si gentil, si aimable, si aimant, si bien façonné pour vous enlever d’amour ? — Oh ! oui. — Alors, mère Sauvage, que penseriez-vous, si ce