Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/870

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saignant de nos coups et qui pleure en nous attendant. Allons nous laver à son sang et à ses larmes. Allons à son baiser qui guérira nos lèpres. Allons à son Paradis où nous retrouverons l’éternelle innocence, l’éternelle beauté, l’éternelle vie.

Adieu, chère et très chère amie.,


Pâques, 1873. Alléluia !

Très chère Amie, envoyez-moi au plus tôt la suite de ce chef-d’œuvre. Je l’avais lu autrefois, dès avant ma conversion : et le souvenir m’en étant revenu, je faisais depuis longtemps d’inutiles efforts de mémoire pour le retrouver. J’avais complètement oublié le nom même de Mlle Gaultier. Vous ne pouvez imaginer combien ce présent m’est cher et précieux. J’adore ces traits de Dieu dans l’âme ignorante du pauvre pécheur. Toute conversion est un miracle de premier rang ; mais la conversion des heureux, parias et princes, est encore au-dessus de ce rang-là. L’orgueil et la concupiscence étant le principe de tout éloignement de Notre Seigneur, et la conversion étant l’humilité et le renoncement, elle est plus difficile à ceux que l’aventure de la vie a fait descendre plus bas pour y trouver ce succès, cette admiration, ces jouissances et cet empire qui sont le but du monde. Une femme belle, douce, et en vue, surtout lorsqu’elle exerce ce que l’on appelle un art, et particulièrement l’art du théâtre, est positivement reine, comme si elle était née sur le trône, et souvent celle qui est née sur le trône, lorsqu’elle n’a que cela, a sujet d’envier l’actrice. Elle reçoit des hommages moins nombreux et moins sincères. Mais enfin, aller chercher l’orgueil de la vie à ces distances extrêmes pour l’amener à la pénitence, ce n’est pas œuvre d’homme, c’est œuvre de Dieu.

Les lettres de Mlle Gaultier, avec celle de Jenny Vertpré et quelques autres papiers et historiettes que je tiens de vous, forment déjà un dossier d’où j’espère bien tirer quelque chose pour le bien de nos frères et sœurs et pour la gloire du Fils unique de Dieu. Aidez-moi dans ce travail, ma très chère amie ; mettez-y vos notes et surtout vos prières. Beaucoup ne changent pas de linge et ne s’appliquent pas à balayer leur maison parce qu’ils n’attendent jamais de grandes visites. S’ils savaient que le Roi peut et veut venir chez eux, ils s’informeraient tout de suite de l’endroit où l’on peut trouver des balais et du savon, et de la manière de s’en servir.