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Ce détail, au surplus, importe peu. Le fait certain, c’est que l’ancien petit clerc eut la surprise de retrouver, chez sa lointaine et platonique passion devenue sexagénaire, une admiratrice intelligente et enthousiaste de son talent et de sa foi.

Le 23 décembre, il écrivait à sa sœur Élise : « J’ai vu mon admirée Mme Volnys, âgée de soixante-deux ans. Elle a commencé son état de comédienne à quatre ans ; elle l’a laissé après un demi-siècle d’exercice. Je ne l’avais pas vue depuis 1831, et je l’aurais reconnue. Elle est charmante, dans mon genre. Elle a un esprit vif et une bonne humilité... Elle m’a conté sa première communion, qu’elle fit sans voile blanc, sous la direction d’un vieux prêtre qui allait la voir jouer et à qui elle eut soin de ne pas confier la première communion de sa fille. »

Entre Louis Veuillot et Mme Volnys, une exquise et ardente amitié s’était allumée, dès la première rencontre, comme en coup de foudre. )y(me Volnys éprouvait une véritable jouissance d’esprit et d’âme à connaître l’intimité du grand polémiste. Louis Veuillot, de son côté, se plaisait singulièrement dans le commerce de son amie. On se vit très souvent à Nice. On s’écrivit, quand on se fut quitté. Cette correspondance se prolongea, tour à tour enjouée, mystique et tendre, pendant près de quatre ans, jusqu’à la mort de Mme Volnys. Elle mourut le 29 août 1876, avec les élans et les résignations d’une sainte. Quelques jours auparavant, ne pouvant plus écrire, elle avait fait remercier Louis Veuillot, avec une reconnaissance émue, du grand bien qu’il lui avait procuré par ses lettres.

Un peu plus tard, un ami de Louis Veuillot, qui pénétra fort avant dans sa confiance et de qui je tiens ce détail, lui exprimait l’espoir qu’après sa mort on publierait ses lettres. Et il évoquait certains filons de cette correspondance, qui ne manqueraient pas d’exciter l’intérêt du public. A quoi Louis Veuillot de répondre, avec un hochement de tête mélancolique et souriant : « Je crois bien que les meilleures de mes lettres, ce sont encore mes lettres à Léontine... »


A Madame Léontine Fay-Volnys, à Nice.


Nice, 2 janvier 1873.

Je vous remercie, très chère amie, de m’avoir communiqué ces deux notices. Elles se complètent admirablement. Par Mathilde on connaît la Léontine intérieure, la vraie. Le fruit fait juger la plante dont on ne verrait autrement que la moindre beauté. Je vous aime et vous honore davantage ; c’est un fécond et très précieux présent que je reçois de vous. Il faut que vous