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accorte et brillante de son fils, ni les recherches de la prieure, ni les aventures de la bonne femme de Bath : son regard plongea jusqu’au point mystérieux de leur âme où se préparaient, à travers les contingences, les maladies, les erreurs, les faiblesses, dans l’ombre, les futures floraisons de l’Eternité. Tant il est vrai que les choses humaines ont de multiples aspects, selon les différens étages auxquels elles apparaissent ! Le même être peut sembler comique et tragique, vulgaire et sublime, ridicule et touchant ; Juliane ne savait plus que les choses profondes, qui ne sont jamais ni comiques, ni vulgaires, ni ridicules ; elle en connaissait de tragiques, de sublimes et de touchantes, mais elle connaissait surtout des horizons d’éternelle sérénité.

Elle vécut donc cent ans, mais elle avait transporté sa vie « de la peine qu’elle souffrait dans le bonheur qu’elle attendait avec confiance, » et ce bonheur vint à elle... Juliane de Norwich mourut par un soir inconnu du XIVe siècle, tout à la fin du Moyen âge, laissant la mémoire d’un prénom féminin, avec un petit livre de lumière. Sur ses lèvres mourantes volèrent sans doute une dernière fois les mots qu’elle aimait et qui lui avaient donné le sens du monde et l’orientation de la vie : « Tout finit bien... Tout est pour l’Amour. »


LUCIE FELIX-FAURE GOYAU.