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son époque et l’ardeur du ciel d’Espagne. Celui de sainte Catherine de Sienne possède l’infinie suavité du Moyen âge mystique en Italie, et une splendeur d’images qui fait songer à Dante. Le style de Juliane a le trait un peu grêle de certains sculpteurs médiocres. Quelque chose comme une apparente sécheresse, mais aussi le charme mystérieux et profond qui nous retient devant ces sculptures, lorsque nous nous sommes avisés de les regarder un peu longuement.

Ce qu’indiquent les œuvres d’une Gertrude, d’une Mechtilde, d’une Juliane, d’une Angèle de Foligno, d’une Catherine de Sienne, comme la mission d’une sainte Colette de Corbie ou d’une bienheureuse Jeanne d’Arc, c’est l’existence, à travers la Chrétienté du Moyen âge, d’un profond courant de vie intérieure. On lui doit le soulèvement des cathédrales, et quelque chose de sa suavité s’est exprimé dans tel geste de saint, telle flexion d’un cou de madone ; quelque chose de sa profondeur s’est reflété dans les tons ardens et riches des vitraux qui font rêver de trésors spirituels, des vitraux dont le bleu de mystère, émouvant comme celui des nuits d’été, semble être une couleur de l’âme. Les vieux maîtres verriers ont opéré ce prodige de spiritualiser les couleurs en les pénétrant de lumière. Ces écrits mystiques du Moyen âge, trop peu connus, ont la beauté des cathédrales gothiques et des verrières lumineuses. Il y a là des nuances humaines, et comme les couleurs des vitraux, elles sont spiritualisées, enveloppées et traversées de lumière. L’âme d’une Juliane est enveloppée et traversée de lumière : « Notre âme ne peut arriver à se connaître ici-bas, » disait-elle. Un peu plus loin, nous trouvons : « Je vis tout à fait clairement qu’il nous est plus facile d’arriver à connaître Dieu qu’à connaître notre âme. Car celle-ci est si profondément enracinée en Dieu, et si précieusement conservée par lui, que nous ne pouvons pas en acquérir la connaissance, si nous ne connaissons d’abord le Créateur avec lequel elle est unifiée... Dieu est plus proche de nous que notre âme, car il est le fondement qui la soutient. Si donc nous voulons arriver vraiment à la connaître, — et vivre avec elle dans une union aussi délicieuse qu’intime, — c’est donc dans le Seigneur notre Dieu, en qui elle est renfermée, qu’il faut la chercher. »

Parfois les expressions des mystiques les trahissent, et feraient songer à un panthéisme qui n’a rien de commun avec