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temps : « Voici, dit-il, une pauvre recluse anglaise qui a des visions, et ces visions ne sont pas indignes d’être lues à côté de celles de sa grande contemporaine sainte Catherine de Sienne... Juliane est une recluse très différente des créatures imaginées sur de semblables données par les littérateurs. Bien loin qu’elle soit comme amputée de toute sympathie pour sa race, son esprit est délicatement et tendrement sensible à toute modification de l’atmosphère spirituelle en Angleterre. Elle ressentait chaque orage par un choc électrique jusqu’au plus profond de son être... les quatre murs de son étroit logis semblaient s’écarter et se déchirer, et non seulement l’Angleterre, mais toute la chrétienté apparaissait à sa vue. »

L’ébranlement que causait à Juliane la vue de la souffrance et du péché ne pouvait cesser que par une surnaturelle confiance : « Tout finira bien.. » Nous pénétrons ici dans la partie la plus belle, la plus mystérieuse et comme la plus sacrée de son œuvre.

Le P. Dalgairns remarque que la confiance de Juliane n’est pas une confiance purement sentimentale. La souffrance du monde la pénètre d’une sorte de commotion douloureuse, elle regarde son crucifix, et elle a confiance, et sa confiance découle de sa foi. Cette confiance a sa source dans une vue profonde des attributs divins. « Il me serait possible de faire que toutes choses soient bien, et je puis faire que toutes choses soient bien, et je ferai que toutes choses soient bien, et tu verras toi-même que toutes sortes de choses seront bien. » Elle reçoit de Dieu cette consolation.

Mais il y a la souffrance, il y a le péché. Quelles sont les ressources de l’âme ? Quel est le rôle de la prière ?

Juliane, dans sa cellule, a médité pendant plus d’un demi-siècle sur cet événement qui se place aux environs de sa trentième année : ces seize révélations lues sur un crucifix pendant une maladie physique qui ressemblait à une agonie. Il s’agissait d’une maladie surnaturelle, et au lieu des incohérences du délire, un enchaînement de vérités lui apparaissait. Songez donc ! Quel homme vivrait uniquement dans le souvenir d’un fait glorieux ou tragique dont il aurait été jadis témoin ? Parmi les contemporains de Juliane, certains avaient guerroyé à Poitiers, à Azincourt, mais est-il possible de les concevoir uniquement occupés de la bataille célèbre où ils avaient