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ses créatures, toutes ses œuvres, mais elle s’étend bien au delà sans aucune limite, car il est l’Infini. »

La Rédemption est l’œuvre de cette bonté. Juliane nous découvre tout à coup, de sa cellule étroite, d’immenses horizons spirituels, quelque chose comme le ciel d’une nuit étoilée, où des vérités émergent du mystère en s’illuminant comme des étoiles.

« Dieu est tout ce qui est bon, selon moi, affirme-t-elle, et ce qu’il y a de bon dans la créature, c’est Lui... »

« Si je ne regarde que moi seule, je ne suis absolument rien. Mais je suis, je l’espère, en union de charité avec tous mes frères dans le Christ. Or, dans cette union, réside la vie de l’humanité qui sera sauvée. Dieu est tout ce qui est bon, selon moi (elle le répète encore, cela revient comme un leit motiv) et Dieu a fait tout ce qui existe, et il aime tout ce qu’il a créé ; aussi celui qui aime généralement tous les Chrétiens pour l’amour de Dieu aime-t-il tout ce qui est. En effet l’humanité qui sera sauvée comprend tout : les Créatures et le Créateur ; car Dieu est en l’homme, et tout est en Dieu : qui aime ainsi aime donc tout. »

Juliane sait parfaitement que, dans cet ordre sublime, une expression peut la trahir ; et elle ne veut point que sa doctrine soit confondue avec le panthéisme. Elle croit Dieu présent dans l’âme des élus comme sainte Thérèse le croit présent au centre du château de la vie intérieure. Elle sait que l’humanité sauvée a pour chef et pour tête du corps mystique le Dieu fait homme, le Christ. ;

C’est une époque troublée que celle de Juliane : l’Angleterre était alors travaillée par l’hérésie de Wiclef et celle des Lollards, et les partisans de ces doctrines les colportaient à travers le pays, quoiqu’elles ne semblent pas avoir atteint la région de Norwich. Juliane devait connaître l’atmosphère spirituelle de son époque. Elle regardait l’Église comme l’arche de salut, et proclamait sa foi dans cette Église, son obéissance à ses directions : « En tout ceci je crois ce que la Sainte Église croit, prêche et enseigne. Car la foi de la Sainte Église, que j’avais comprise jusque-là (et que j’espère, avec la grâce de Dieu, avoir bien gardée en pratique), était continuellement présente à mon esprit : c’est bien ma ferme volonté de ne jamais accepter quoi que ce soit qui puisse lui être opposé. »

Si certaines expressions de Juliane courent le risque d’être